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18 octobre 2006

Une question de foi

Dome.jpg

De passage à Florence, il m'était difficile de ne pas être impressionné par la majesté de la cathédrale, et notamment de son dôme ; aujourd'hui encore, tout comme sur les peintures du XVe siècle, cet édifice domine la ville et marque les esprits. Si l'on considère qu'il s'est écoulé 140 ans entre le début des travaux et le jour où la cathédrale a été consacrée, on perçoit toutefois mieux sa vraie dimension : une œuvre qui transcende l'homme, qui dépasse la perspective d'une existence humaine pour témoigner d'une existence plus grande. Certes, la durée de la construction et les pauses contraintes qu'elle a connues s'expliquent aussi par les crises économiques, financières et sanitaires subies à l'époque. Mais ces vastes constructions dont les architectes savaient l'achèvement bien au-delà de leur vivant n'étaient pas rares, et tendent à nous renvoyer à nous-mêmes.

Avons-nous de nos jours une foi telle que nous sommes prêts à engager une énergie considérable dans un projet dont les effets (on pourrait écrire le bénéfice) ne se déploieront pas avant plusieurs générations ? Il s'agit ici bien entendu d'une foi religieuse, puisque la plupart des édifices transgénérationnels de l'époque ont une telle vocation, mais également d'une foi en l'avenir, d'une conviction qu'il est possible de construire, lentement et sûrement, au profit de la société future. Avons-nous les indices d'une telle force spirituelle, d'une telle confiance ? Je ne le pense pas. Un projet gigantesque comme celui des nouvelles transversales alpines devrait s'échelonner sur une durée oscillant entre 15 et 25 ans selon la manière d'évaluer les travaux. La majorité des citoyens, compte tenu de la prolongation de la durée de vie, pouvait donc espérer en bénéficier au début du projet.

On me rétorquera que les moyens de construction modernes permettent d'achever de tels ouvrages bien plus rapidement que par le passé ; il s'agirait dans ce cas de comparer les efforts investis en termes de main d'œuvre et de budget pour se faire une idée. Cependant, la perspective temporelle me paraît revêtir un aspect essentiel, et je ne vois guère que dans la conquête spatiale planétaire un domaine où l'homme fait encore preuve d'une certaine foi en l'avenir. L'avancement très lent de celle-ci, dès lors que la guerre froide s'est achevée, me paraît d'ailleurs révélateur! Mais peut-être ai-je tort !

Publié par Ludovic Monnerat le 18 octobre 2006 à 14:31

Commentaires

bof... le camarade Kim poursuit le projet grandiose entamé par son père et il a la foi dans le communisme
kif kif pour ses camarades mollahs qui eux aussi ont la foi
si vous avez la foi pour tranformer les montagnes suisses en fromage de Gruyère...
je préfère nettement vos analyses quand vous restez au niveau de la terre : pas au dessus ni en dessous
et dans le genre foi dans des projets grandioses, les hommes ont déjà fait pire !
ne pas avoir de tels projets, ce n'est peut etre pas si mal

Publié par JPC le 18 octobre 2006 à 16:04

Il y a aussi une différence de nature entre les grands projets d'hier et ceux d'aujourd'hui, c'est que ceux d'hier avaient une motivation spirituelle, la religion, alors que ceux de maintenant ont des objectifs purement matériels (transport etc.).

Publié par Le Proton Jovial le 18 octobre 2006 à 17:13

@JPC: le Gruyère est le fromage sans trou... Contrairement à l'Emmenthal

@Le proton Jovial: Tout dépend l'époque, l'empire Romain abonde de monuments grandioses dont les objectifs sont purement materiels, par ex. le fantastique réseau routier, les aqueducs, etc...

Publié par IVLIANVS le 18 octobre 2006 à 20:36

@ IVLIANVS... oui je sais ! c'était une petite plaisanterie au passage pour voir si qqn relevait l'erreur (le vieux chalet est encore + dense mais meilleur, sauf pour le cholestérol)

Publié par JPC le 18 octobre 2006 à 21:32

Je suis toujours enthousiasmé par les constructions religieuses massives du passé, mais de plus en plus titillé par les valeurs impliquées dans leur construction et de leur financement - l'ignorance, la peur de la mort, la foi aveugle, le désir de pénitence ou d'absolution, la culpabilité, la rédemption du péché originel, l'orgueil, ou encore le prosélytisme et l'impérialisme. Cela vaut pour toutes les époques, et probablement toutes les religions.

En fait, mis à part l'indéniable beauté du résultat, je crains de ne pas voir beaucoup de valeurs positives là -dedans. Qu'on me pardonne! ^_^

Publié par Stéphane le 18 octobre 2006 à 22:22

Je suis complètement d'accord avec Ludovic Monnerat.
Je pense que des projets spatiaux d'inportance pourraient jouer un rôle positif dans l'activité humaine, insufflant une foi, une confiance dans l'avenir qui manque totalement dans notre société actuelle.
Je vous fournis deux idées : la terraformation de Mars qui prendrait plusieurs siècles, ou la construction d'un ascenseur spatial par exemple (ce dernier projet pourrait effectivement être plus rapide à réaliser) telq que décrit par Clarke dans "Les fontaines du Paradis".

Publié par juan_rico le 19 octobre 2006 à 5:36

Je pense que la médecine nécessite aussi un certain temps pour arriver à ses fins. En s'attaquant aux cellules souches ou à la transgénie, nous ouvrirons de nouvelles portes qui offriront des solutions appliquées dans des décennies, tout en donnant de nouveaux espoirs à l'espèce humaine.
Il faut aussi prendre la notion d'enjeu dans la réalisation de projets pharaoniques...

Publié par dahuvariable le 19 octobre 2006 à 9:09

Il semblerait que l'architecture du dôme soit née en Perse, plusieurs millénaires avant J.-C.

On retrouve le dôme dans l'architecture indienne, notamment les reliquaires bouddhiques géants que sont le stupas.

Justement, il y a tout juste un an, une importante congrégation tibétaine d'Espagne construisait, puis inaugurait le 5 octobre 2005, le plus haut Stupa du monde occidental (33 mètres de haut).
http://www.stupabenalmadena.org/

Comme quoi, la ferveur religieuse vit et se diversifie.

Le clin d'oeil bouddhique est intéressant, Benaldanema est le lieu où les hordes sarrasines ont posé le pied pour la première fois en Europe. Une contribution très bouddhiste contre le retour de l'obscurantisme. Imaginez que les moudjahidines y aient revendiqué la construction d'une mosquée... trop tard :-)

Publié par louis le 19 octobre 2006 à 9:16

Humm
J'apprécie cette envolée lyrique qui aborde un thème presque devenu tabou sous nos latitudes : la foi chrétienne. Cette dernière, quoi qu'on en dise, représente le creuset de notre civilisation. C'est la source d'une grande partie de nos valeurs. Des valeurs qui nous avons parfois tendance à jeter par-dessus bord ou à pervertir. Cette attitude est certainement aussi une des sources de notre faiblesse actuelle. Car cet état de fait a tendance à nous diviser et à introduire des comportements incohérents (je ne milite pas pour une prééminence du religieux, mais plutôt pour un regain de spiritualité - source de valeurs).
Quoiqu'en disent certains, dans le cadre du conflit qui se fait jour aujourd'hui, la question des valeurs représente un des éléments essentiels et incontournables de ce débat. D'ailleurs, comme vous l'avez évoqué, les valeurs permettent également d'inscrire les enjeux dans une perspective à long terme, dépassant ainsi des décisions qui se limitent à des bénéfices immédiats. Il sera temps d'y songer!

Alex

Publié par Alex le 19 octobre 2006 à 10:39

@ Alex,

Je suis entièrement d'accord avec vous sur le fond. Mais dans les faits (et là je sens que je vais passer pour élitiste) comment réintroduire des valeurs spirituelles auprès des populations occidentales, totalement consuméristes et matérialistes, lobotomisées par les médias ? La seul valeur qui serait mobilisatrice auprès des masses serait la préservaton de leur niveau de vie, et encore....

Publié par ofrens le 19 octobre 2006 à 10:59

L'Homme a besoin de valeurs.

C'est bien pour cela que le Bouddhisme par exemple, mais aussi l'Islam et toutes sortes de sectes se développent. Ces autres valeurs occupent le vide laissé à l'abandon.

Alors, les réintroduire n'est pas forcément très difficile, par contre, il faut la foi, ultime nerf de la guerre...

Publié par juan_rico le 19 octobre 2006 à 21:54

Bien des constructions grandioses de la Renaissance étaient conçues pour magnifier leur mandataire. L'optique était donc très matérialiste, et la foi intervenait surtout en tant que moyen de propagande. L'histoire de Jules II et de la construction de la Basilique Saint-Pierre de Rome, du plafond de la Sixtine ou encore des fresques du palais du Vatican en disent long sur les motivations du personnage. Pour se faire une idée pas trop idéalisée de la chose, la lecture de Jakob Burckhardt, le fameux historien bâlois, est à ne pas manquer. Entre les Borgia, les Medicis, etc., la foi et les grands projets transgénérationnels sont laissés un peu de côté... Au profit de la gloire personnelle, des rivalités entre cités, etc.

De plus, des constructions comme le Dôme de Florence s'étendaient sur tant d'années essentiellement à cause des retards accumulés. Au départ du projet, les initiants pensaient certainement les voir achevés de leur vivant.

Idéaliser la foi des temps anciens face au matérialisme de la modernité, c'est un raisonnement bien trop réducteur. Si l'on veut remonter plus loin dans le passé, les trafiques de reliques du Moyen-âge illustrent, eux-aussi, parfaitement bien les libertés prises avec la foi.

Publié par André le 20 octobre 2006 à 13:47

Oui vous avez raison de mettre en parallèle le sacré, le religieux et la beauté. C'est de plus en plus flagrant notamment dans le domaine de la peinture. L'art contemporain est en rupture avec le passé et donc aussi avec le sacré. C'est devenu l'éloge de la laideur.

Publié par Fabrice Trochet le 20 octobre 2006 à 20:00

Déjà ce serait pas mal de terminer la cathédrale de Beauvais... Dont je vous rappelle que la flêche est la plus haute d'europe...

En voilà un beau projet fédérateur et apte à réveiller quelque peux nos racines culturelles et religieuses.

Publié par Georges le 20 octobre 2006 à 20:11

Juan Rico: mettre le bouddhisme, l'islam et autres "sectes" sur le même plan, me parait faire preuve d'une bien gaste confusion des méninges...

Publié par louis le 21 octobre 2006 à 19:52