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8 juin 2006

Le poids d'un homme

Ainsi donc, le principal chef de la guérilla sunnite en Irak a été tué suite à une frappe aérienne. Les uns se félicitent de cette élimination, y voyant un coup dur porté à la mouvance islamiste, les autres contestent la portée de cette action, affirmant qu'elle génèrera davantage de candidats au terrorisme, alors que les Irakiens affichent leur soulagement. La chute d'Abou Musab Al Zarqaoui met donc un terme à l'une des chasses à l'homme les plus intenses menées ces dernières années, et rappelle qu'un leader insurrectionnel ne peut échapper longtemps à ses ennemis s'il n'a pas de sanctuaire à sa disposition. Face aux méthodes mises en oeuvre par le renseignement de la coalition, sa carrière a d'ailleurs été étonnamment longue.

Il reste naturellement à évaluer la portée de son élimination. Une insurrection comme celle qui entrave et ralentit le développement de l'Irak étant de nature composite, décentralisée et désynchronisée, comme d'ailleurs la plupart des acteurs non étatiques et combattants modernes, la perte d'un leader au demeurant controversé ne peut avoir d'effet décisif. Aucune décapitation n'est possible lorsque l'on affronte une meute d'hydres furtifs. En revanche, les efforts considérables déployés par la coalition pour la capture ou la mort de Zarqaoui, et celles de ses principaux aides, montrent que les individus comptent. On ne crée pas un détachement de forces spéciales à cette seule fin sans un impératif stratégique. Lorsque le k.-o. n'est pas possible, en raison de la nature du conflit comme de l'ennemi, la victoire aux points est la seule option disponible.

De fait, un individu comme Zarqaoui joue de nos jours un rôle important dans la cohérence et la cohésion d'un acteur composite. Les connaissances, les contacts, le charisme, la détermination, l'expérience d'un seul homme peuvent faire beaucoup pour convaincre et galvaniser les amis, effrayer et dissuader les ennemis. Le fait que le chef jordanien ait pratiqué un terrorisme aveugle et révoltant, visant à provoquer un conflit interethnique et interreligieux pour empêcher la démocratie de prendre racine en Irak, n'est pas contradictoire avec cette réalité. Il est naturellement possible de retrouver un autre Zarqaoui, et de voir dans quelques mois la coalition confrontée à un défi identique ; mais les personnages de ce calibre restent rares, et ne peuvent être aisément remplacés. Quoi que l'on en dise en parlant de "martyre", les vivants ont bien plus d'influence que les morts. Ne serait-ce que parce qu'ils restent imprévisibles.

Publié par Ludovic Monnerat le 8 juin 2006 à 22:38

Commentaires

Pour ma part, j'ai beaucoup aimé le communiqué d'Al-Qaeda exprimant "la joie" des islamistes qui ont vu Zarqaoui "accéder au martyr".

Tout le monde est content finalement!

Il n'y a plus qu'à demander à ces messieurs de bien vouloir se regrouper quelque part et les forces de la coalition se feront un plaisir de satisfaire leur envie de paradis...

Publié par Stéphane le 8 juin 2006 à 23:55

La mort de zarqawi est une victoire, c'est évident.
L'hydre vient encore de perdre une de ses têtes pensantes, et elles ne sont pas nombreuses. Ces dirigeants portent bien leur nom: ils orientent, forment, relient les cellules, organisent et permettent finalement de passer du stade du VBIED à celui de l'attaque de Londres.

Ce qui est déplorable je trouve c'est l'excuse apportée à l'assassinat de son fils par Michael berg. Avec de telles mentalités, nous n'avons plus qu'à accepter les coups de fouet sans réagir. :(

Publié par Ares le 9 juin 2006 à 11:12

En effet la mort d'un chef charismatique est toujours une perte pour un groupe et même si les attentats continuent ce ne sera plus pareil. Tout dépendra aussi de l'attitude de la population qui finira pas en avoir marre de toute cette violence...

Publié par polluxe le 9 juin 2006 à 15:51

Il reste tout de méme que les FS du monde entier n'ont toujours pas réussi en 5 ans à capturer Ben Laden et le Mollah Omar en Afghanistan... Un de tombé, c'est bien, mais les plus gros poissons courent toujours :(

Publié par Frédéric le 9 juin 2006 à 18:53

Zarqawi était le second plus gros poisson. Ce n'est donc pas si mal.
Ben laden est plus prudent et passe sa vie caché dans des zones tribales, bien plus difficiles à infiltrer ou à faire collaborer.

Publié par Ares le 9 juin 2006 à 19:15

En tout cas, quelle subtilité dans l'analyse du Monde d'aujourd'hui !

Et quelle... jubilation !

Fallait quand même oser: se réjouir de... la guerre civile et de la destuction d'un pays !!!

"Zarkaoui, enfin et surtout - c'est ce qui le différenciait d'un Oussama Ben Laden en guerre contre l'Occident et l'Arabie saoudite -, promettait sang et larmes aux chiites, aux Kurdes, et une guerre civile en Irak : elle est là ."

ÉDITORIAL
Zarkaoui a gagné
LE MONDE | 09.06.06 |
http://abonnes.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3218,36-781413,0.html

Publié par jc durbant le 9 juin 2006 à 20:44

Autre réaction édifiante : sur RTL, On refait le monde (jeudi 8/8), Clara Dupont-Monod regrettant que certains se réjouissent de la mort de Zarqaoui. Sans doute aurait-il fallu lui demander gentiment de bien vouloir se rendre au poste, en lui lisant ses droits (Miranda, toussa). ;-)

http://www.rtl.fr/radio/emission.asp?dicid=144228

Publié par Alex Keaton le 10 juin 2006 à 11:25

Ce qui est "oublié" dêtre mentionné, ce sont les jordaniens qui donné, et causé la perte de zarqaoui. dans tous les journaux jordanien, il est bien rappeler que c'est une vengeance pour les matryrs des Hotels. ils leurs à afflut quelques semaines pour causer sa perte, alors que près de 4 ans après avoir créé ce mythe, les amércains avaient toujours eu deux temps de retard.. Malheureusement pour les américains, leur pénétration des réseaux terroristes est donc toujours aussi insignifiante. Les chances de gagner cette guerre toujours aussi faible.

Publié par T-Buster le 10 juin 2006 à 23:43

Je vous conseille vivement d'aller voir le sujet de la TSR consacré à Zarqaoui au 19:30 de samedi soir: M. Zysiyadis, dans un très bel exercide de désinformation, essaye de faire naître une théorie du complot là où il n'y en a aucune.

Publié par Stéphane le 11 juin 2006 à 9:23

Ce que j'en pense:
"Ainsi, au niveau opérationnel, l'élimination - « l'assassinat ciblé » - de Zarkawi est une étape nécessaire mais pas suffisante dans la lutte anti-terroriste."
la suite:
http://politiquearabedelafrance.net/node/257

Publié par Ram Zenit le 15 juin 2006 à 11:15

Ayant peu suivi la carrière terroriste de M. al Zarquaoui, rien à ajouter à l'analyse du LCL Monnerat, sinon une interrogation rétrospective. Quelles compétences personnelles ont fait de M. al Zarqaoui ce leader, (tristement) efficace bien qu'il soit toujours resté controversé ? Les reportages le décrivaient, pour le peu que j'en ai lu, comme une personne plutôt peu intelligente, peu qualifiée militairement, peu profonde au plan religieux, peu fortunée (pour ne parler que de ces aspects). Qu'est-ce qui a fait de lui un chef de guerre adapté aux temps troublés que connaît l'Irak ?... capable sinon de gagner la guerre civile, du moins de tenir en échec l'armée qui a 50% du budget militaire mondial ?

S'il y a un "profiler" dans la salle !...

Publié par FrédéricLN le 15 juin 2006 à 19:54

@Ram Zenit

"Qu'est-ce qui a fait de lui un chef de guerre adapté aux temps troublés que connaît l'Irak ?"


Quelle sont les caractéristiques qui font les chefs de mafias (ceux qui ne durent pas longtemps bien entendu, ceux qui durent plus constituent les Saddam, les Poutines, les Stalines, les Maos etc)?
1 - avoir une compréhension à niveau élémentaire de l'être humain, de ce qui le meut, de sa psychologie
2 - être sans pitié, sanguinaire, fonceur
3 - s'appuier sur des "valeurs locales" et savoir les manipuler (voir point 1)
4 - avoir une base communautaire, un clan qui le soutiendra

Tout ceci n'implique pas du tout d'avoir à faire à un idiot, il a l'intelligence du caïd de banlieu, qui dans son habitat semble être la meilleure réponse d'adaptation évolutive.

"Dans le doute j'attaque" c'est ce qui fait gagner la majorité des combats. C'est ce que les académies militaire pondent comme "shock & awe".


Bon, c'est ce qui me vient à l'esprit le temps de le taper.

Publié par Mikhaël le 15 juin 2006 à 20:16

Correction:

@ FrédéricLN et non @ Ram Zenit (ça me semblait drôle quand même)

Publié par Mikhaël le 15 juin 2006 à 20:18

oui, je crois que ce "modèle" tient la route.

La principale contre-mesure serait alors l'équivalent du "contre" en football (?) : s'appuyer sur les imprudences, les coups de pubs à usage interne. Et pour ça, presque nécessairement, avoir des informateurs dans le clan.

Publié par FrédéricLN le 18 juin 2006 à 22:03