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27 juin 2006

Irak : la résilience américaine

Une chose qui reste en partie surprenante, avec le battage médiatique incessant autour de massacres présumés et d'attentats quotidiens, réside dans la résilience de l'opinion publique américaine : plus de 3 ans après l'annonce (erronée) de la fin des combats majeurs en Irak, une moitié d'Américains, à en croire ce sondage, refuse l'établissement d'un plan horaire pour le retrait des troupes d'Irak, et donc continue de soutenir l'action entreprise par l'administration Bush. Il est possible que ces chiffres bénéficient ponctuellement de l'élimination de Zarqaoui, mais ce type d'événement fait partie de tout combat aux points. En tout état de cause, force est de constater que l'influence des médias - majoritairement orientés dans le sens d'un échec en Irak - a trouvé ses limites, probablement dans la diversification des sources et des relais d'information.

Cette dimension stratégique dans la conduite du conflit trouve un écho au niveau opératif, dans le volume de troupes déployées en Irak. Les annonces de déploiements différés ou modifiés dans le sens d'une réduction sont un indicateur important en la matière, notamment parce qu'un volume réduit implique presque immanquablement une soutenabilité (désolé pour cet anglicisme...) accrue. Si l'on tient compte du fait que l'US Army a atteint ses objectifs de recrutement pour l'essentiel de 2006 et dépassé ses objectifs de rétention, cela montre que l'Irak, à terme, n'est pas le bourbier clamé si souvent. Une affirmation qui pourrait toutefois être remise en cause si le budget du Pentagone venait à être sérieusement amputé sous la prochaine administration au point de perdre les acquis militaires multiples - expérience, sélection, mutation - de l'opération Iraqi Freedom...

Publié par Ludovic Monnerat le 27 juin 2006 à 22:51

Commentaires

Je ne pense pas que l'on puisse déterminer si l'Irak est un bourbier rien qu'en se basant sur des objectifs de recrutement.
Personnellement, je constate qu'après une campagne éclaire, les troupes US ont toujours de la peine à rétablir l'ordre dans certaines parties du pays. Finalement, je ne suis pas certain que les Américains parviennent à le faire. La question repose plus sur la possibilité de se désengager, tout en permettant aux forces de sécurité irakiennes de reprendre le relais...


Alex

Publié par Alex le 28 juin 2006 à 8:53

Mais bien sûr !

-la sécurité en Irak se dégrade
-on assiste de plus en plus à des violences de type "chiites contre sunnites et vice-versa"
-les soldats US sortent beaucoup moins qu' avant et cela réduit à peine leurs pertes
-l' armée iraquienne ne dispose que d' à peine UN bataillon autonome (et en théorie encore)
-cette même armée iraquienne est infiltrée par l' ennemi
-pareil pour la police
-l' armée US vient de relever l' âge minimum d' engagement à 43 ans et offre des bonus d' engagement de plusieurs dizaines de milliers de dollars. Elle se montre plus souple sur les capacités intellectuelles des candidats (j' ai fait moi-même le test ASVAB, n' importe quel européen de 14 ans ou plus peut y réussir à 100%)
-57% d' Américains veulent un plan de retrait de l' Iraq, d' après un lien que j' ai trouvé sur un certain blog (www.ludovicmonnerat.com)
-chaque personne revenant d' Iraq à qui j' aie parlé ne voit pas de solution au problème et voit l' Iraq comme un pays où gagner beaucoup d' argent

Tout va très bien madame la marquise. "Inch' Allah!" comme le disent si bien des locaux fatalistes, bêtes et lâches (d' après tout ce que j' ai entendu).

Publié par Arnaud le 28 juin 2006 à 15:26

Arnaud, mon billet parlait de l'opinion publique américaine, pas de la situation en Irak - une chose à laquelle il faut consacrer bien plus que quelques lignes pour en parler avec raison. Maintenant, sur la question du recrutement, avez-vous déjà fait la comparaison entre l'US Army et les armées professionnelles européennes ?

Publié par Ludovic Monnerat le 28 juin 2006 à 21:23

un billet de blog est un billet d'humeur, une idée au vol destinée à être reprise, on ne peut exiger du premium en permanence (à qui le dis-je !).

Cela étant, le style très contourné et les rapprochements rapides de ce bref billet ("refuse l'établissement d'un plan horaire pour le retrait des troupes d'Irak, et donc continue de soutenir l'action entreprise par l'administration Bush", ...) me donnent quelques doutes sur la solidité de l'argumentation. Billet synthétique ou billet à thèse ? intéressant dans les deux cas.

A vrai dire, vu ... d'Argenteuil donc très loin de Bagdad, je reçois à la fois les informations dont fait état le Colonel Hôte, et celles dont fait état Arnaud. Et je suis à la recherche de la synthèse.

Publié par frédéricLN le 29 juin 2006 à 16:15

OK, point par point :

-les 57% d' Américains exigeant un plan de retrait (lien vu sur votre blog) et les opinions pessimistes de ceux qui reviennent du terrain que j' ai rencontrés, c' est pour contrer l' argument selon lequel une moitié d' Américains "refuse l'établissement d'un plan horaire pour le retrait des troupes d'Irak, et donc continue de soutenir l'action entreprise par l'administration Bush."

-les anecdotes au sujet des nouveaux critères de recrutement US sont là pour soulever quelques problèmes que vous aviez ignorés en paraphrasant les communiqués rassurants du Pentagone ("Super on a rempli les quotas de recrutement / rétention!")

-tout le reste c' est pour remettre sur la table le mot bourbier (pas sur le terrain peut-être, mais quid du niveau stratégique?)

Je n' ai pas de vue d' ensemble sur le niveau intellectuel général des militaires pro en Europe de l' ouest. Si on peut trouver leurs tests online j' y jetterai volontiers un coup d' oeil. Attention toutefois, le test ASVAB que l' on trouve online est bien plus dur que le vrai (expérience faite).

Publié par Arnaud le 29 juin 2006 à 23:00

Ah j' allais oublier :

Selon vous une amputation du budget militaire US risquerait de rendre les choses pires en Iraq. Pas d' accord !

En quoi une réduction de budget nuirait-elle à l'expérience / la sélection / la mutation (vos mots) des forces armées US ?

Expérience : tout le monde sait qu' elle ne s' achète pas

Sélection : si vous parlez des ressources humaines... on ne peut pas acheter la motivation d' un soldat

Mutation : les forces armées US en Iraq ont "muté" vers plus de renseignement humain, une formation d' infanterie légère plus poussée de toutes les unités, un réapprentissage des opérations en milieu civil... Mais elles n' ont certainement pas besoin de gadgets hi-techs chers et inutiles (équipement Land Warrior, bouclier anti-missiles, avions furtifs de la 43e génération bis, etc etc) qui ne servent qu' à engraisser le lobby de l' armement si cher à George Bush

On se rappellera que les troupes britanniques ont fait à Bassorah un bien meilleur travail, grâce à leur intelligence situationnelle et à la qualité de leur infanterie légère, en alternant intelligemment charge à la baïonnette et contact amical avec la population, même sous-équipées et sous-ravitaillées.

Publié par Arnaud le 29 juin 2006 à 23:16

Arnaud, je n'ai malheureusement pas le temps de discuter en détail la chose. Je dirais juste ceci :

- Mon billet était motivé par un sondage montrant une évolution. Ne vous accrochez pas au chiffre de 57% issu d'un autre sondage sans comparer en détail les deux. Par ailleurs, en matière de pessimisme, le fait que l'opinion des Irakiens soit optimiste depuis 3 ans a son importance...

- En matière de recrutement, il ne s'agit pas de paraphraser les communiqués du Pentagone (critique superficielle et facile...) mais de noter que les unités déployées en Irak affichent un taux de rétention très élevé, ce qui en dit long sur le moral de la troupe. Par ailleurs, les dépenses en personnel des Forces armées US ont augmenté de plus de 50% ces 5 dernières années. Voici pour les allusions au budget

- Les Britanniques à Bassorah : la situation sur place, et le rôle prédominant des milices chiites, indique à mon sens que la "qualité" prêtée à l'opération britannique est surévaluée justement parce qu'elle est érigée en référence par rapport à l'opération américaine

Publié par Ludovic Monnerat le 30 juin 2006 à 6:54