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3 mars 2006

Vers l'apologie du terrorisme

Conseiller de lire un éditorial de Claude Moniquet, c'est un peu comme inviter quelqu'un à un restaurant de grande renommée : quel que soit la carte du jour, on sait ne jamais être déçu. C'est encore le cas aujourd'hui avec un texte (au format PDF) saisissant de pertinence et de clarté sur la complaisance des médias face à la terroriste Joëlle Aubron, qui vient de décéder. Extrait :

Nous avons toujours pensé que l'État devait être fort - et impitoyable - quand la survie de la démocratie et de l'ordre constitutionnel ou la sécurité des personnes était en danger. Puis vient un temps où il y a de la grandeur à faire preuve de mansuétude. Mais la générosité ne peut s'exercer aux dépens des victimes et de la vérité, et le pardon ne saurait s'appliquer qu'à ceux qui ledemandent. Or, aucun membre d'Action directe n'a jamais demandé pardon ni, même, ne s'est distancié des errements de sa jeunesse. A peine Joëlle Aubron a-t-elle lâché un jour, froidement, « Notre hypothèse a échoué ». C'est peu pour s'excuser de la mort de deux hommes.

Il est intéressant de confronter cette critique impitoyable de la romance qui entoure le terrorisme d'extrême-gauche à ces révélations faites par Daniel de Roulet, lequel a avoué avoir incendié en 1975 le chalet d'un magnat allemand de la presse et s'en est excusé, notamment après avoir appris que le passé nazi imputé à l'homme concerné n'avait jamais existé. Les idéologues forcenés du type Aubron sont à jamais incapables d'une pareille remise en question. Et les médias qui minimisent leurs meurtres délibérés succombent à une tendance qui se rapproche de l'apologie du terrorisme.

Publié par Ludovic Monnerat le 3 mars 2006 à 20:32

Commentaires

Je lis les infos sur le site de l'ESISC quotidiennement et j'ai déjà plusieurs livres de M. Moniquet à mon actif. Ses analyses sont toujours rigoureusement factuelles et limpides, et mis à part quelques points auxquels je n'adhère pas, ses opinions me conviennent toujours (notamment sa position sur l'Iran et la politique terroriste belge).
Je vous conseille d'ailleurs ses ouvrages, dont "Djihad et islamisme en Belgique", qui, s'il s'appuye surtout sur les réseaux belges, permet d'y voir plus clair dans les différents courants islamistes et leurs ramifications internationales.

Publié par Ares le 3 mars 2006 à 21:00

Sur la pétition pour la libération anticipée des derniers membres du gang, il y a eu un billet suivi de commentaires intéressants chez KoZ.

Publié par François Brutsch le 3 mars 2006 à 23:01

Selon l'approche de l'école sémiotique, les valeurs peuvent se décliner selon deux versants du sens: l'usage (le bénéfice que moi et ma collectivité pouvons en tirer) et le symbole (le champ de projection que ses valeurs peuvent offrir aux individus et communautés).

On sait pertinemment que le journaliste vendra très bien l'image de rupture. En l'espèce, vanter le terroriste constitue une rupture à bonne valeur marchande, donc d'usage, sur le marché très capitaliste de l'information. En parrallèle, le journaliste s'identifie à la réalité qu'il décrit. L'égo pourra se trouver flatté d'une projection en un personnage en rupture morale (valeur symbolique).

A cela s'ajoute l'effet de compétition et de normalisation entre journalistes. Plus les journalistes sont nombreux à traiter de la même rupture plus il faut en chercher une distinctive. Les enchères grimpent jusqu'à l'épuisement du sujet. C'est ce que fait Hollywood ce week-end avec les oscars pro-terroristes, signifiant par la même un rendement décroissant du sujet en tant qu'information.

Ce qui reste à imaginer sans cesse c'est donc le champ de contre-rupture permettant de rassasier le journaliste.

Publié par louis le 4 mars 2006 à 10:51

Je n'ai aucune sympathie pour le terrorisme de l'ultra-gauche, et les récentes jérémiades de certains milieux de gauche en faveur des malheureux Brigadistes que l'Italie ose encore poursuivre m'ont bien irrité.

Mais je ne puis suivre Claude Moniquet lorsqu'il écrit « le pardon ne saurait s'appliquer qu'à ceux qui le demandent». La peine est justifiée d'une part par la gravité des actes, d'autre part par le danger objectif que constitue encore un courant de pensée.

Écrire qu'on doit conserver un terroriste gauchiste (ou de l'OAS, ou de la cause sikh, ou toute autre mouvance terroriste aujourd'hui assagie) parce qu'il ne sait pas se remettre en question, c'est sanctionner de dix ans de prison un délit d'opinion. On n'a pas à garder dix ans de plus celui qui continue à affirmer que ses idées étaient bonnes que celui qui fait allégeance à l'idéologie dominante. Ce qui justifie l'emprisonnement, ce sont les meurtres et non les opinions politiques aberrantes. Les meurtres ne sont pas moins graves lorsqu'ils sont suivis de repentir ; et si on pense que ne pas «se distancier des errements de sa jeunesse» eût dû justifier le maintien dix ans de plus en prison de Mme Aubron, il faudra qu'on m'explique pourquoi ça ne justifierait pas de mettre dix ans en prison ceux qui approuvent à mots plus ou moins couverts son combat sans y avoir participé (type de sanction qui me paraitraît aberrant et typique d'une société où la liberté politique n'est plus assurée).

Publié par Anselmeuh le 4 mars 2006 à 13:39

Les membres d'AD ont été interviewés plusieurs fois en prison. Aucun d'eux n'a jamais exprimé le moindre regret. Tous ont déclaré qu'ils reprendraient la lutte si on les libérait. CQFD.

Aucun rapport avec leurs opinions, uniquement avec leur dangerosité.

Publié par Ares le 4 mars 2006 à 14:38

Les stats réservent parfois de belles surprises. En l'occurence, grâce à la mention de Françoi, je ne raterai pas ce billet. Je suis pleinement, tellement pleinement d'accord avec Ludovic et, visiblement, avec Claude Monniquet. Je commence d'ailleurs à me demander si je ne vais pas solliciter la nationalité suisse tant je trouve d'analyses pertinentes, et d'ouverture d'esprit, dans les colonnes helvètes.

Comme le signale François, une pétition complaisamment signée par tout ce que notre beau pays compte de gens d'une certaine gauche s'insurge contre le fait que l'on sollicite un "repentir" des militants d'Action Directe en vue de leur libération conditionnelle ! C'est incroyablement aberrant mais, sans vouloir faire de la retape pour mon blog, vous verrez qu'en commentaires, des personnes mesurées semblent acquiescer.

Le traitement médiatique complaisant que vous évoquez est une réalité somme tout inquiétante.

En fin de compte, les militants d'action directe sont des "combattants"... Evidemment, engager le dialogue avec leurs soutiens est décourageant. Allez expliquer, ce que je crois, qu'ils ont engagé une action violente dans un pays qui était une démocratie et l'on vous contestera le fait que la France du début des années 80 ait été une telle démocratie ! On vous parlera de l'oppression capitaliste...

A la différence d'Anselmeuh, je suis parfaitement d'accord avec Claude Moniquet lorsqu'il explique que l'on ne peut accorder de pardon qu'à ceux qui le demandent. Même l'Eglise, pourtant encline à pardonner 77 fois 7 fois, enseigne que, pour le pardon, il faut être deux. En l'occurence, les militants d'Action Directe veulent obtenir le "pardon" de la société, tout en continuant à lui dire merde. Il me semble qu'ils devraient faire preuve de davantage de cohérence dans leur position : puisqu'ils ne reconnaissent pas cette société, puisque ses lois sont illégitimes, puisqu'ils sont en lutte contre elle, qu'ils n'en attendent rien !

Publié par koz le 4 mars 2006 à 19:09

Le pardon ne peut être le fait que des victimes ou, dans le cas d'un meurtre, de leur famille.

La "société" ou le " système justiciaire" sont des abstractions qui ne peuvent en aucun cas exprimer un quelconque pardon, même pas par le biais de ceux qui les affirment les représenter. Cette personnification par abus de langage permet une volée de pardons et de remises de peine aussi artificielles que quasiment parodiques, qui dénaturent et affaiblissent le véritable pardon personnel - ou le choix de ne pas pardonner.

Publié par Stéphane le 4 mars 2006 à 21:36