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25 février 2006

L'adhésion de la population

Le treizième exposé, « Armée et population : la recherche de l'adhésion », a été présenté par le colonel Pierre Altermath, consultant auprès de l'Académie de police de Savatan.

Le changement est devenu une constante pour les armées, au fil des évolutions stratégiques, budgétaires et technologiques. Cependant, la recherche de l'adhésion reste la pierre angulaire de toute sécurité publique ; elle repose sur une démarche à 3 niveaux : la volonté de défense (acceptation du principe de la défense armée chez la population, via l'information), la volonté de servir (convaincre les conscrits d'effectuer leur devoir, via la communication) et la volonté de combattre (convaincre les militaires de la nécessité du combat, via l'instruction).

Dans l'armée actuelle, on souffre de la présence d'une mentalité technocratique germanique qui tend à ramener les contacts humains à une épreuve de force permanente nuisant à la recherche de l'adhésion. La volonté ne s'impose pas. Pour la faire apparaître existent 4 conditions : des motifs crédibles, intelligents et précis ; une délibération au sujet de ces motifs ; une décision prise ; et une exécution de cette décision. La pédagogie de la défense, nécessaire pour développer la volonté, repose avant tout sur les valeurs, la perception de la menace, la réponse à cette menace et le coût de cette réponse, qui doit être proportionnel. Faire connaître son pays, ses institutions, sa géographie, son histoire, sa culture, est donc à la base de l'adhésion.

La diffusion de nos valeurs dépend de produits de qualité (livres, films - aujourd'hui très rare), de conférenciers aptes à les communiquer, de la diffusion interne au sein de l'armée, puis de la diffusion externe. Mais la menace ne peut être aisément évoquée (syndrome de Cassandre ; les humains refusent de penser à la maladie et à la guerre), ce qui influe sur sa perception, alors que l'information est complexe et médiatiquement peu attractive. La guerre n'est que l'un des risques ; le baromètre des craintes (Université de Berne) montre que la menace militaire n'est pas une priorité, de sorte que les préoccupations de la population ne peuvent être passées sous silence - et que sa priorisation évolue avec l'âge. Enfin, il est facile de provoquer une émotion par une image choc ; mais si les événements annoncés tardent à se produire, l'attention s'érode et le scepticisme croît.

Les réponses de l'Etat à la menace doivent être globales (intégration de l'armée aux autres instruments de la puissance), adéquates (trouver le rôle de l'armée), crédibles (convaincre ceux qui appliquent comme ceux qui en bénéficient) et identifiées (connaissance et compréhension). Conséquences : il faut réorganiser le paysage sécuritaire (le projet de Département de Sécurité va dans ce sens), vendre les réponses définies (les acteurs du paysage sécuritaire sont une courroie de transmission), pratiquer une instruction crédible (services intensifs et satisfaisants) et optimiser les coûts (l'armée utilise parcimonieusement l'argent du contribuable). Mais la comparaison entre les sacrifices consentis et les valeurs à défendre doit également être favorable.

Conclusion : le général Herzog a écrit en 1870 que « rien n'est plus dangereux pour la patrie que de se bercer d'illusions, de se croire préparé et de se vanter de posséder une armée relativement importante et bien équipée, alors qu'au moment du danger et de l'épreuve, on constate que tout manque ou est défectueux. »

Publié par Ludovic Monnerat le 25 février 2006 à 9:25

Commentaires

Dans le contexte de 1870, la remarque du général HERZOG nous apparait presque cocasse...

Certains de ses homologues français d'alors affirmant de manière péremptoire à Napoléon III que le prussien pouvait bien venir, il serait reçu!

Il ne manquait pas même un bouton de guêtre aux soldats de l'armée impériale.

Archi-prêt, qu'ils étaient.

On connait la suite!

Publié par Winkelried le 25 février 2006 à 14:25

Bien sûr, c'est le sens du billet je présume. L'armée française de 1870 était parfaitement préparée à gagner la guerre de Crimée des années 1850. Tout comme l'armée américaine de 2003 était parfaitement préparée à gagner la guerre Iran-Irak des années 1980.

Publié par FrédéricLN le 26 février 2006 à 16:34