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24 février 2006

Interactions populations / armée

Dans la mesure où j'ai présenté le neuvième exposé (« Les fluctuations des enjeux, vecteurs de mobilisation populaire »), je n'en ferai pas mention ici, et comme j'étais sur scène pendant le dixième (« Diversité culturelle et armées. De l'apport de la géographie pour le militaire en opération », de Philippe Boulanger, maître de conférences à l'Institut de géographie à l'Université de la Sorbonne à Paris), je ne peux pas non plus le résumer. Je suis à nouveau dans la salle ; je peux donc reprendre ma tâche! :)

Le onzième exposé du symposium, « Interactions entre populations et armées dans les états de la guerre et de non-guerre : l'impact de l'information, de l'action psychologique et des moyens de destruction », a été présenté par le lieutenant-colonel Jean-Pierre Renaud, président du Centre d'histoire militaire et d'études de défense nationale de Montpellier.

Lorsque Henri IV entre en guerre contre le Duc de Savoie, il déclare la guerre au Duc et non à sa population. Gustave-Adolphe de Suède fournit un uniforme à tous les soldats de son armée, ce qui les différencie des habitants ; Louvois fournit un uniforme à tous les soldats étrangers au service de France en 1658, et à tous les soldats en 1670. Les interactions entre armées et population sont étroitement liées à l'information et à la désinformation.

Selon Volkoff, le mot désinformation ne devrait s'utiliser que dans le cadre d'une manipulation d'une opinion publique à des fins politiques. L'action psychologique, selon le lieutenant-colonel Vitry, vise la désorganisation de l'appareil adverse et la conquête de l'opinion. D'après Volkoff, l'image n'a pas besoin de passer par notre cerveau pour atteindre le cœur ou les tripes ; l'émotion, comme l'image, est motrice et provoque des actions, et se prête à nombre de manipulations. Le texte nous laisse nous créer une image, mais l'image nous est imposée. Selon Jean Dutourd, pour obtenir un lynchage au XIXe siècle, il fallait faire preuve d'éloquence ; à présent, une image TV suffit en la montrant 10 fois, 20 fois, et elle fait l'opinion, désigne le bien et le mal - chaque homme est devenu un petit Saint-Thomas, ne croit que ce qu'il voit, et ce qu'il voit est faux.

Durant la Seconde guerre mondiale, la population normande n'a pas une opinion très positive des libérateurs, dont les bombardements avant le débarquement ont fait de 24'000 à 50'000 morts ; mais d'un autre côté, sur 125'000 membres d'équipages du Bomber Command, 55'000 (44%) sont morts en mission. En Indochine, l'armée française conclut à la supériorité du communisme, de l'internationale communiste soutenue par le parti communiste français en métropole ; elle n'a pas compris la force du nationalisme et le besoin d'indépendance, qui empêchait le retour au statu quo ante bellum (c'est-à -dire avant la Seconde guerre mondiale), et cette erreur est répétée en Algérie [on pardonnera ma faute de frappe "Algérique"] : la technique de la guerre révolutionnaire est comprise, mais c'est encore le communisme qui est érigé en ennemi, et le nationalisme n'a pas été intégré. Mener une guerre contre-révolutionnaire sans base idéologique ou politique certaine est impossible.

Proverbe africain : « lorsque deux éléphants s'affrontent, c'est toujours l'herbe qui souffre. »

Publié par Ludovic Monnerat le 24 février 2006 à 15:48

Commentaires

"cette erreur est répétée en Algérique"

Une erreur répétée en Algérie ou dans toute l'Afrique ? ;)

(Peut-on espérer un résumé de votre exposé "Les fluctuations des enjeux, vecteurs de mobilisation populaire", sur Checkpoint peut-être ?)

Publié par Mugon le 24 février 2006 à 17:26

"la technique de la guerre révolutionnaire est comprise, mais c'est encore le communisme qui est érigé en ennemi, et le nationalisme n'a pas été intégré".

On pourrait également appliquer me semble t'il ce principe aux "relations" entre les Etats unis et Cuba.

Si la révolution castriste est politique (socialiste), elle est également nationaliste et entend préserver une indépendance de fait par rapport aux américians. C'est en ce sens que Castro choisi de jouer la carte de l'URSS et ainsi garantir sa "liberté".

Les américains ont eux aussi sous estimés cette dimension du problème. Ils sont peut être en train de reproduire la même erreur en Irak, en négligeant le problème nationaliste, aveuglés qu'ils sont par celui du terrorisme international et l'islamisme.

Publié par Winkelried le 24 février 2006 à 20:53

A Mugon : la réflexion de base pour mon exposé est une partie de cet article mis en ligne l'an dernier sur CheckPoint.

A Winkelried : entièrement d'accord quant à l'erreur de Cuba. Pas sûr pour l'Irak : je crois au contraire que le nationalisme irakien est un élément sur lequel ont tablé les Américains dans leur intention de (re)construire un Irak raisonnablement uni et stable ; l'identité nationale est un facteur de résistance à leur présence, mais également de résistance aux autres influences étrangères. Le problème vient plutôt du fait que l'identité est davantage tribale que nationale...

Publié par Ludovic Monnerat le 24 février 2006 à 23:21

"l'identité est davantage tribale que nationale..."

...et souvent antagoniste...

d'où la "nécessité" historique d'un pouvoir central local autoritaire. Ce que le système démocratique peine toujours à produire, ne serait ce que par définition.

Publié par Winkelried le 25 février 2006 à 8:04

On pourrait aussi penser l'inverse : "d'où la nécessité de limiter le pouvoir à la tribu"

Publié par Ruben le 25 février 2006 à 8:27

Ce n'est pas l'inverse, ça revient au même....:)

Seul un pouvoir central autoritaire peut limiter celui de la tribu.

Publié par Winkelried le 25 février 2006 à 8:47

Ce qui semble avoir été sous-estimé en Algérie c'est (aussi) la dimension religieuse du combat.

Publié par phineus le 25 février 2006 à 14:57