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25 novembre 2005

Une lutte à contre-cœur

Deux informations au sujet de l'Afghanistan sont venues aujourd'hui renforcer encore un peu plus l'engrenage dans lequel les nations européennes devaient nécessairement mettre le doigt : d'une part, les 26 membres du Conseil de l'Atlantique Nord ont accepté le plan d'extension de l'ISAF au sud du pays, ainsi que le rapprochement entre la force sous commandement OTAN et la CJTF-76 sous commandement américain ; d'autre part, une patrouille de soldats suédois a été attaquée aujourd'hui à l'explosif improvisé dans la ville de Mazar-i-Sharif, au nord du pays, et 2 de ses membres ont été gravement blessés. Les éléments de cette analyse publiée ici le mois passé semblent donc confirmés.

Il est difficile de ne pas conclure, face à cette extension significative et à l'augmentation des effectifs de l'Alliance en Afghanistan, que de nombreux pays européens acceptent progressivement et à contre-coeur le sens d'une lutte qui a été initiée au lendemain du 11 septembre 2001 et dont la trame reste américaine. Le sud de l'Afghanistan n'est pas vraiment plus sûr que le sud de l'Irak, mais cela ne dissuade pas des nations comme l'Allemagne ou l'Espagne de faciliter l'extension de l'ISAF en augmentant leurs effectifs dans d'autres zones du pays. Une manière de s'impliquer toujours plus dans un pays toujours en conflit, sans pour autant subir l'humiliation qui découlerait d'un alignement trop ouvert sur la stratégie américaine.

Pourtant, il serait temps pour l'Europe de se poser quelques questions quant à son engagement croissant en Afghanistan. Où cela va-t-il mener ? N'existe-t-il pas des risques sérieux d'escalade de la violence ? Est-ce que l'ISAF parviendra toujours à ne pas être perçue comme une force d'occupation par la population afghane, dans ce pays qui a toujours fini par vaincre ses occupants ? Est-ce que l'image de l'ISAF ne bénéficie-t-elle pas du fait que les Américains - et les forces spéciales européennes - se chargent du "sale boulot" consistant à chasser les Taliban et Al-Qaïda, pendant que l'OTAN effectue ouvertement des tâches de reconstruction ? Le rapprochement entre ces 2 composantes ne va-t-il pas brouiller les perceptions à ce sujet ?

Il n'y a rien de pire que s'engager dans une opération militaire sans clairement cerner les intérêts nationaux qui y sont liés. Pour l'instant, les pertes de l'ISAF ne sont pas suffisantes pour amener les Gouvernements des nations engagées à retirer leurs troupes, mais quel prix sont-ils prêts à payer pour stabiliser et développer ce pays ? Les populations européennes pensent-elles vraiment que la défense de l'Europe commence sur les hauteurs de l'Hindu Kush, comme l'a dit l'ancien ministre Peter Struck ? A moins que la pérennité de l'Alliance ne soit soudain remise en cause, je peine à voir des intérêts clairement identifiés et partagés dans les pays qui augmentent leur participation à l'ISAF.

Que leur mission ait un sens dans la lutte planétaire entre les démocraties libérales et le fondamentalisme musulman, cela va de soi ; que cette compréhension se soit vraiment répandue depuis 4 ans, je me permets d'en douter. Mais peut-être me trompé-je...

COMPLEMENT I (26.11 0845) : L'un des soldats suédois est en définitive mort de ses blessures, suite à une attaque - c'est symbolique et révélateur - commise au retour d'une manifestation sportive. Je me souviens avoir vu en septembre dernier des dizaines de soldats suédois qui se préparaient à leur mission en Afghanistan, sur la base de Kungsängen, et je suis sûr qu'il s'agit de l'un d'entre eux...

COMPLEMENT II (27.11 0930) : Cet article m'avait échappé, mais l'annonce selon laquelle les Hollandais pourraient renoncer à leur déploiement au sud de l'Afghanistan montre que les dangers de cette mission sont bel et bien pris en compte. Ce texte montre également que les Britanniques vont envoyer parmi leurs meilleurs éléments, avec des hélicoptères d'attaque et des chasseurs-bombardiers. Il est vrai que l'OTAN impose à chaque extension du secteur de l'ISAF - sauf la première au nord - un ensemble de capacités opérationnelles, dont l'appui aérien rapproché...

Publié par Ludovic Monnerat le 25 novembre 2005 à 18:14