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11 novembre 2005

Une accalmie consensuelle

Les médias annoncent aujourd'hui que le retour au calme se confirme dans les banlieues françaises, avec 395 véhicules incendiés et 168 personnes interpellées dans la nuit [mais ce bilan était provisoire, voir ci-dessous], contre respectivement 482 et 203 la veille. Les mesures prises par le gouvernement, notamment l'instauration de couvre-feux et le déploiement de forces supplémentaires, semblent donc avoir porté leurs fruits. Il faut également ajouter à cela d'autres facteurs, comme l'effet d'annonce des aides promises aux zones urbaines sensibles, la lassitude que produisent nécessairement des violences opportunistes, voire même les températures qui deviennent peu à peu dissuasives. De sorte que l'on commence à se réjouir, ça et là , d'une crise qui semble s'achever, et que le débat revient aux polémiques habituelles.

Mais cette accalmie est bien entendu une perception trompeuse. Certes, trois fois moins de véhicules ont été incendiés que durant la nuit la plus destructrice, mais ils restent quatre fois plus nombreux qu'avant le déclenchement de la crise. En prenant le chiffre de 29'000 véhicules brûlés à fin octobre, on parvient en effet à une moyenne de 100 par jour ; et que cela soit considéré comme normal en dit long sur la réticence des autorités comme des médias à faire face à la réalité, pour des raisons certainement opposées mais non sans tractations mutuelles. Autrement dit, ce retour au calme dont les médias font leurs titres ne correspond, à mon avis, qu'à une désescalade superficielle d'un conflit qui se poursuit. Une réduction des effets aussi bienvenue qu'accessoire.

L'intifada française habitait les zones de non droit bien avant que la mort par électrocution de 2 jeunes gens ne précipite le pays dans la crise ouverte. Et la volonté affichée par le Ministre de l'intérieur de reconquérir les territoires perdus de la République laisse penser que d'autres affrontements ne tarderont pas à éclater, que la lutte pour le contrôle des quartiers et des esprits, que le choc des identités antagonistes pour tout dire, occasionneront d'autres violences à nouveau visibles. Les caïds qui veillent à la poursuite de leurs activités illégales, les imams qui affichent leur influence en proclamant une « fatwa » presque acclamée, les « grands frères » qui agissent par l'entremise du réseau associatif verront d'un mauvais œil l'incursion durable et décidée de la police ou de la gendarmerie.

Il existe naturellement une autre option, certainement séduisante à court terme : celle consistant à segmenter plus avant la société française, à conclure qu'il vaut mieux circonscrire les zones comme infectées par cette révolte anti-française (et anti-occidentale) qu'essayer d'en extirper les agents pathogènes. Dans ce cas, le cordon sanitaire à la fois physique et sémantique qui existe déjà autour des quartiers en crise, et qui permet au reste de la société d'ignorer la situation des gens qui y vivent, sera encore renforcé. On parle aujourd'hui d'accalmie, on parlera demain de retour à la normale, de réformes en cours, et après-demain on n'en parlera plus. Jusqu'à la prochaine éruption de violences, qui rappellera que l'hypersécurité est et reste une illusion.

COMPLEMENT I (11.11 1035) : Je conseille de lire la longue et percutante analyse de Stéphane sur le Meilleur des Mondes quant l'avenir de la société française. Titré "l'impossible retour au calme", son texte tire un bilan de 2 semaines de violences, aborde les angles médiatiques et politiques, puis conclut de façon limpide - et alarmante. Extrait :

L'avenir ne réserve rien de bon. Pendant des mois, on peut s'attendre à ce qu'une guérilla de basse intensité se poursuive. Il sera d'autant plus ardu de la contrecarrer que l'état d'urgence ne saurait être maintenu longtemps, ni les forces de police massives mobilisées en permanence. Les casseurs auront toujours un coup d'avance.
A plus long terme, la capacité de survie de l'Etat français sur son propre territoire est menacée. L'effondrement de l'autorité continuera à être progressif, celle-ci se faisant grignoter petit à petit. Sous le couvert de la prévention, le maintient de l'ordre public va être progressivement délégué à des groupes locaux, associations ou "grands frères" plus ou moins liés aux milieux mafieux et islamistes, qui sauront faire respecter l'ordre en échange de cette passation de pouvoirs. La capitulation de l'unicité de la justice se sera faite dans les formes et au grand jour: dans les villes et les campagnes normales, police et gendarmerie assureront la sécurité; dans les banlieues, cette sécurité sera déléguée à des groupes aux contours mal définis et qui se livreront à leur interprétation locale de la loi. On peut s'attendre, après la première étape du maintien de l'ordre, à une infiltration progressive de ce communautarisme dans le reste des services de police et de justice. Les groupes mafieux pourront se réjouir de cette délégation qui leur permettra de trouver des interlocuteurs locaux, donc plus compréhensifs. Quant aux islamistes, ils pourront se frotter les mains: la première étape de leur plan sera en place - une police, une justice et des lois différentes selon l'appartenance culturelle, ethnique ou religieuse de chacun.
Ensuite, ils chercheront à étendre ces enclaves.
Si un gouvernement cherche jamais à faire marche arrière, la riposte sera terrible - ces émeutes ne sont qu'un avant-goût de l'intensité de la guérilla qui se déclenchera alors parce qu'il y aura un enjeu.

La mise en gras et en italique est celle du texte original. Le terme d'enclave me paraît ici particulièrement approprié, aussi sur un plan juridique, avec cette inclination vers une extraterritorialité de facto sur fond de rupture identitaire. Voilà une réflexion à creuser, en parallèle avec l'évanescence des frontières nationales et l'enchevêtrement planétaire des populations. Et si l'avenir nous réservait une sociétée éclatée entre de multiples enclaves, chacune recroquevillée sur son pouvoir, ses rites, ses croyances, ses intérêts, ses ambitions ?

COMPLEMENT II (11.11 1440) : Les chiffres définitifs de la nuit montrent bien le caractère largement virtuel de cette accalmie, puisque ce sont au total 463 véhicules qui ont été incendiés et 211 personnes interpellées, avec notamment une augmentation en région parisienne. Ces chiffres ne sont de toute manière qu'un indicateur très partiel, et partial, du phénomène. Des renforts ont d'ailleurs été dépêchés à Paris pour le week-end, y compris en faisant appel aux écoles de police (un indice intéressant). Le nombre de 2234 arrestations en 15 nuits montre bien l'ampleur du conflit.

COMPLEMENT III (12.11 1025) : La 16e nuit de violences urbaines a souligné le caractère trompeur de cette "accalmie" tant souhaitée par le Gouvernement français, puisque ce sont 502 véhicules qui ont été incendiés et 206 personnes interpellées. Plus inquiétant encore, le directeur général de la police nationale a déclaré que la situation était désormais quasi-normale en Ile-de-France, alors que 86 véhicules y ont tout de même été brûlés. Voilà qui en dit long sur la volonté des autorités de minimiser une situation conflictuelle qui existe depuis des années.

COMPLEMENT IV (13.11 1500) : La perception donnée aujourd'hui par les médias est à nouveau celle d'un retour progressif au calme dans les banlieues, ce qui n'est jamais qu'une extrapolation des chiffres de la nuit (374 véhicules brûlés, 212 interpellations) greffée sur une volonté de sortir de la crise. A partir de quand dira-t-on que tout est normal ? Lorsque 100 voitures seront incendiées chaque nuit, comme depuis le début de l'année ? Ignorer un conflit dans ses étapes initiales lui laisse assurément une opportunité supplémentaire de se développer.

COMPLEMENT V (14.11 1055) : La diminution du nombre de voitures incendiées (284) et de personnes interpellées (115), pour la 18e nuit de violences urbaines en France, est décrite par certains médias comme un "calme précaire" - ce qui est assez scandaleux pour les forces de l'ordre, comme le montre ce dessin. En fait, la volonté du Gouvernement français de proroger l'état d'urgence et de s'en prendre à l'économie dite souterraine laisse penser que le conflit ne pourra pas être entièrement ignoré.

COMPLEMENT VI (14.11 1825) : Ce billet de Gateway Pundit compile différentes informations à propos d'incendies de voitures commis dans d'autres pays européens et spécule sur une extension du phénomène. Le nombre de véhicules incendiés en France fait désormais l'objet d'un décompte ironisant sur ceux tenus à propos des pertes civiles ou militaires en Irak. Une revanche un brin discutable...

COMPLEMENT VII (15.11 1100) : Le mécanisme sémantique décrit dans le billet ci-dessus se confirme. Avec la nouvelle baisse du nombre de voitures brûlées et de personnes interpellées (215 et 71 respectivement), c'est bien d'un retour au calme que l'on parle, prélude à la disparition pure et simple du sujet dans les médias. Après quoi les troubles continueront probablement en souterrain, n'apparaissant ça et là que sous la forme de faits divers dénués de sens...

Publié par Ludovic Monnerat le 11 novembre 2005 à 9:05

Commentaires

Dans la liste des cécités, autant médiatiques que politiques, on peut compter cette peur d'identifier et de nommer certaines choses par leurs noms.
Ainsi, que l' UOIF lance une fatwa ( avec d'ailleurs des citations coraniques tronquées* ) indique très clairement qu'une majorité d'émeutiers sont de confession musulmane ( à quoi bon émettre une fatwa à l'attention d'une population non musulmane ), de la même façon qu'un de leurs prétextes pour intensifier les violences fut la grenade lacrymo dans la mosquée ( qui de plus semble être une intox montée en épingle par les médias ).

Laborieuse gymnastique intellectuelle que cette façon de rendre compte des évènements tout en interdisant de faire les rapprochements qui s'imposent d'eux-mêmes... Quiconque émettra un avis sur certains aspects sera immédiatement islamophobisé sur l'autel de l'antiracisme.
Les mots sont donc plus que jamais otages de certains dogmes indéboulonnables.

*
"La fatwa fait une première référence au verset 64 de la sourate 5 : "Dans plusieurs versets du Saint Coran, Dieu blâme la destruction et le désordre et rejette ceux qui les accomplissent. Il dit au verset 64 de la Sourate 5 « Allah n'aime pas les semeurs de désordre » ". Or les « les semeurs de désordre » maudits par le texte de la fatwa sont en fait les juifs comme indiqué dans le Coran : "64. Et les Juifs disent : «La main d'Allah est fermée ! » Que leurs propres mains soient fermées, et maudits soient-ils pour l'avoir dit. Au contraire, Ses deux mains sont largement ouvertes : Il distribue Ses dons comme Il veut. Et certes, ce qui a été descendu vers toi de la part de ton Seigneur va faire beaucoup croître parmi eux la rébellion et la mécréance. Nous avons jeté parmi eux l'inimitié et la haine jusqu'au Jour de la Résurrection. Toutes les fois qu'ils allument un feu pour la guerre, Allah l'éteint. Et ils s'efforcent de semer le désordre sur la terre, alors qu'Allah n'aime pas les semeurs de désordre." (Coran, sourate 5, verset 64)."

la suite sur http://www.atheisme.org/uoif-fatwa.html

( Bien entendu, le but de tout cela n'est pas jeter l'opprobe sur les musulmans, qui n'ont pas besoin de ça, mais il convient de remettre les choses dans leur contexte. Cet effort de clarification devrait être fait par les musulmans eux-mêmes )

Publié par fingers le 11 novembre 2005 à 10:20

(!) qu'il vaut mieux circonscrire les zones comme infectées par cette révolte anti-française (et anti-occidentale) qu'essayer d'en extirper les agents pathogènes. (LM)

Je ne mets pas en doute votre analyse en question ; mais je la trouve cependant incomplète. Il me semble que les différentes personnes qui ont abordé ce sujet (dont notamment de nombreux politiques), reconnaissent que ces événements ne proviennent pas uniquement d'une haine vouée au système en place. Ils traduisent également une absence de perspectives (je n'ai plus rien à perdre) et une certaine désillusion. L'utilisation de certains termes, comme intifada, risque de donner à cette affaire une image exagérément alarmiste. Si effectivement la République à affaire à des ennemis intérieurs, certaines de ces personnes, qui se sont laissées entraînées dans ces violences, sont certainement encore capables de changer de voie s'ils ont l'impression qu'on leur offre de nouvelles perspectives. Car il faut bien le reconnaître, les problèmes de scolarisation, les difficultés à trouver un travail, le phénomène d'isolement constituent également des obstacles qu'ils faut combattre, afin qu'ils ne puissent pas être instrumentalisés par les ennemis de la République.

Pour finger : je ne suis pas certain que la mention du site http://www.atheisme.org soit vraiment adéquat. En effet, ce type de site véhiculent souvent un mépris, voire une haine envers toute forme de religion : (L'odeur de sang des monothéismes, - L'imposture de Mère Teresa : l'Inde n'a aucune raison d'être reconnaissante envers Mère Teresa - (!) texte magnifique montre la Bible pour ce qu'elle est: un livre fanatique et violent qui se répand en appels permanents au meurtre, et dénué de toute grandeur philosophique ou humaniste).

Alex

Publié par Alex le 11 novembre 2005 à 10:51

Personnellement, je ne partage pas du tout l'analyse de Stéphane, notamment quant il prévoit l'effondrement de l'autorité de l'Etat. Je me demande aussi sur quels éléments repose cette analyse que je qualifierais de fantasque.
A lire ces propos, on a l'impression que Stéphane considère les membres du Gouvernement français comme une équipe de naïfs, incapables de tirer quelques enseignements de cette période de crise. Autrement dit, ce texte n'est pas crédible, mais cherche avant tout à stigmatiser la communauté musulmane de France.


Alex

Publié par Alex le 11 novembre 2005 à 11:10

@alex

Personne n'est pas obligé de partager son point de vue personnel, il n'en demeure pas moins que l'information en elle-même est exacte.
J'aurais d'ailleurs pu reprendre les textes depuis la version du Coran disponible sur le site de l'UOIF lui-même ( ce qui m'amène à me demander si les gens de l'UOIF ne nous prennent pas un peu pour des cons )

Publié par fingers le 11 novembre 2005 à 11:38

Alex: Comme ceci est un espace de discussion, on peut surtout... Discuter. Croire ou ne pas croire, adhérer ou pas à une vision optimiste ou non n'a finalement guère d'importance dans cet espace virtuel.

Toujours est-il que je ne me base pas sur un quelconque fantasme (je m'efforce de coller à la réalité) mais sur de simples observation: l'emploi croissant de "grands frères" comme agents de maintien de l'ordre est indiscutable. Cette simple démarche est un aveu de délégation de l'autorité à des éléments issus du communautarisme.

Je ne considère pas les membres du gouvernement comme des naïfs, bien au contraire; simplement des gens pour qui la gestion de l'immédiat l'emporte sur des conséquence à long terme dramatiques, mais qu'ils laisseront à d'autres (et peut-être à des adversaires politiques, ce qui serait encore mieux). Rappelons-nous que le long terme défendu par les hommes d'Etat tient de l'arnaque intellectuelle: le seul horizon d'un politicien élu est le terme de son mandat et son éventuelle réélection. Leur raisonnement ne va pas plus loin et explique d'autant mieux leur obsession du court terme - qui s'annoncera très calme pendant quelque temps si l'Etat cède à tous les chantages exprimés par les casseurs de banlieue.

Maintenant, vous êtes totalement dans votre droit en pensant que ce n'est que le délire d'un esprit malade :) Evitez juste de vous promener avec une kippa ou un signe extérieur de richesse la prochaine fois que vous ferez passage dans une banlieue française...

Publié par Stephane le 11 novembre 2005 à 11:38

« Maintenant, vous êtes totalement dans votre droit en pensant que ce n'est que le délire d'un esprit malade :) » (Stephane)

Merci pour votre réponse. Je ne désire pas vous blesser et mes considérations à votre égard ne vont de loin pas aussi loin que ce que vous indiquez ci-dessus. En réagissant, je voulais surtout montrer qu'il me semble que l'élément religieux prend souvent (en tout cas sur ce site) une place disproportionnée. Cette tendance a pour effet d'effacer les autres éléments susceptibles d'expliquer cette explosion des violences qui ont secoué la France.
Enfin, je partage également votre inquiétude quant au manque de vision à long terme de l'ensemble de la classe politique (en France ou ailleurs). Toutefois, je suis d'avis que les politiques français sont suffisamment conscients de la montée de(s) l'extrémisme(s) religieux pour éviter de le(s) renforcer en prenant des mesures inappropriées.

Alex

Publié par Alex le 11 novembre 2005 à 11:58

@ fingers

Ce n'est pas l'information en tant que tel que je remettais en question, mais plutôt la source qui la diffuse. Si une information est disponible sur plusieurs sites, je trouve qu'il est préférable d'éviter celui qui développe des idées destinées à blesser (par des propos vindicatifs) les membres de plusieurs communautés religieuses.

Alex


Publié par Alex le 11 novembre 2005 à 12:04

@Alex

Oui, finalement, c'est vrai, pourquoi pas.
J'en prend note.

Publié par fingers le 11 novembre 2005 à 12:07

Alex: "Merci pour votre réponse. Je ne désire pas vous blesser et mes considérations à votre égard ne vont de loin pas aussi loin que ce que vous indiquez ci-dessus."

...je plaisantais, d'où le smiley. Mais si cette discussion s'envenime, j'irai bouter le feu à quelques véhicules au hasard pour ventiler ma frustration. Non mais!! ;)

Publié par Stephane le 11 novembre 2005 à 12:12

Je signale cette petit édito polémiste et pessimiste mit sur Polémia :

http://www.polemia.com/edito.php?id=1115&PHPSESSID=6e9777780a8e6663e0e0058d9985a74d

Mais, tout n'est pas perdue d'avance, méme un journal Iranien estime que la démocratie n'est pas en danger car méme les "exclues de la société" connaisse leur droits. Voir le Courrier International.

Publié par Frédéric le 11 novembre 2005 à 12:15

Alex, je partage votre point de vue sur le rôle que joue l'absence de perspective dans les comportements des jeunes en banlieue. Certes, je suis persuadé qu'une certaine culture de l'assistanat renforce nettement ce phénomène, mais la situation dramatique de certaines zones urbaines ne doit pas être mise de côté.

En revanche, je pense que l'expression "intifada française" (que je ne suis pas le seul à utiliser) correspond bien à la situation, car elle rappelle cette jeunesse palestinienne qui, spontanément, s'est révoltée en 1987 contre une situation sans issue, contre une absence de perspective. Il est vrai que l'intifada a bien changé depuis 2000, et que cette perception-là peut être ressentie comme alarmiste ; pour ma part, je pense justement que si l'on ne trouve pas une solution assez rapidement, ceux qui aujourd'hui lancent des pierres ou des cocktails molotov peuvent très bien demain se faire exploser sur les terrasses ensoleillées. Pas tous, bien sûr, loin de là ; mais une toute petite partie suffit pour donner une toute autre dimension à ce qui reste un conflit.

Publié par Ludovic Monnerat le 11 novembre 2005 à 12:15

Ce qui me dérange dans l'expression « Intifada », c'est que l'on fasse référence à une population qui utilise avant tout la violence pour s'opposer à un Etat qu'ils abhorrent (souvent) et/ou pour demander la création d'un Etat palestinien. Ce cas fait avant tout référence à des revendications politiques, liées à une problématique territoriale. L'absence de perspectives, qui ne doit pas non plus être négligée, me semble moins importante que dans le cas français.

« Ceux qui aujourd'hui lancent des pierres ou des cocktails molotov peuvent très bien demain se faire exploser sur les terrasses ensoleillées. » (LM)
Je ne rejette pas d'emblée ce scénario, mais je me pose une question : quelles seraient les motivations et les idéaux qui pourraient motiver de tels actes ?

Alex

Publié par Alex le 11 novembre 2005 à 12:28

Ce qui les motive déjà : l'islmamisme.

Publié par Ares le 11 novembre 2005 à 13:06

" @ Alex " "...je voulais surtout montrer qu'il me semble que l'élément religieux prend souvent (en tout cas sur ce site) une place disproportionnée..." On nous la répète souvent cette récrimination et les statistiques de la Mémoire du Monde démontrent qu'il faut en tenir compte dans toute nos actions et que sa place n'est disproportionnée que pour ceux qui ont quelque chose à cacher ou qui se refuse à regarder ces statistiques : Religion Hébraïque 4000 ans +, Religion Chrétienne 2000 ans +, Religion Musulmane 1500 ans +, Bouddhisme 4000 ans ?... un sacré programme de spiritualité mais surtout de politique active et d'installation de valeurs toujours en vigueur. Statistiques que l'on peut comparer avec... le Communisme 100 ans, le capitalisme 200 ans. Y-a-t-il une seule bonne raison de ne pas parler en fonction de l'acquis religieux, de la propagation et de la pérennité des valeurs que ces concepts ont engendré ?

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 11 novembre 2005 à 16:25

Bonsoir,
j'aimerai relever un point qui a été peu discuté: la référence à la religion est pour soi donnée dans ce contexte et dans ce blog. Mais dans le cas des émeutes en France (peu importe les différentes connotations données) est-ce que la religion ne devraitt-elle pas être perçue comme une caractéristique commune (excusez-moi le terme, je ne trouve rien d'approprié) à postériori et non pas comme origine.
Pour dépassioner le débat, prenons un autre cas: par exemple, le Sonderbund opposant des cantons catholiques aux protestants. Le Sondebund a uni des cantons catholiques, plutôt ruraux et pauvres contre des cantons protestants, plutôt citadins et riches. Mais peut-on dire: ces cantons sont catholiques parce que pauvre et ruraux ou sont-ils pauvres parce que catholique et ruraux? etc,.... Il y a un tas de variantes.

Donc la religion est-elle un point commun (réel certes) mais cristallisé pour d'autres raisons en tant que conséquence, ou est-elle un des points communs d'origine. Entièrement d'accord, tous ces éléments appartiennent aux deux côtés, mais ont un centre de gravité.

L'islam est-il dans le cas de ces émeutes un point commun aisé à mettre en évidence, mais a-t-il le point d'un a anteriori plutôt que d'un a posteriori. J'aurai tendance à le classifier dans les a posteriori. Ce qui voudrait dire que les appels au calme ou la violence de ce cercle est proportionnellement très faible en comparaison à d'autre facteurs, mais peut-être l'élément faisant basculer d'un côté ou de l'autre en cas limite, ou de créer un autre lien (supposé ou non d'ailleurs) entre ou plutôt contre les différentes parties impliquées. Et dans tous les cas plus facile à isoler d'autres.

Il me semble avoir vu plusieurs rapport (mais devrait être vérifier) que les quartiers vraiment sous l'emprise de l'islam radical sont resté calme. Ce qui tendrait à accréditer la thèse ci-desssus. Peut-être que cette fois-ci l'islam n'est pas plus responsable que ne l'est le catholisisme du fait que certains cantons suisse ne soient des cantons ruraux.....

La difficulté est aussi à mon avis d'arriver à distingué des cas qui ont des critères semblables, sans les amalgamer aux causes. Il faut aussi faire part des différentes récupérations qui toutes essaient de profiter de la situation circonstancielle à posteriori. Récupération qui peut se faire sur l'événement lui-même, mais aussi dans un plus long terme, de la cause, en privilégiant une caractéristique non originelle mais permettant un exutoire. A terme, un certain nombre de personnes peuvent oublier la / les causes premières, si elles ont jamais été identifiées comme telles et ne sont pas une suite continue de petites frustrations. La se trouve un danger réel.

Et peut-être que je suis à côté de la plaque.

Publié par Pierre-André le 11 novembre 2005 à 21:38

Pour en reveni à l'"acalmie" annoncé, la Préfecture de Paris à préférer prévenir que guérir, pas d'attroupement dans la Ville Lumiére samedi à dimanche :

"Afin de prévenir les troubles à l'ordre public et à la sécurité des personnes et des biens, la préfet de police a décidé d'interdire à Paris, du samedi 12 novembre à 10h00 au dimanche 13 novembre à 08h00, toute réunion de personnes de nature à provoquer ou entretenir le désordre sur la voie et dans les lieux publics"


Publié par Frédéric le 11 novembre 2005 à 21:49

...Ah! Il suffisait donc d'interdire!..

Publié par Stéphane le 11 novembre 2005 à 23:35

"Il est interdit d'interdire" ;) J'ai lue qu'au Québec, il y a méme eu une petite manif d'une cinquantaire d'anarchistes pour soutenir les émeutiers.

Publié par Frédéric le 11 novembre 2005 à 23:41

"... Il est interdit d'interdire" ;) J'ai lue qu'au Québec..."

Ce doit être pour cela qu'on m'a refusé de me servir un steak de bison saignant au restaurant Wigham à Upton, Québec la semaine dernière ;-) J'ai dit à la propriétaire qu'elle avait une attitude Fachisante mais ça n'a rien donné :-( Ils sont pour le brûlage des steaks au napalm genre grillage d'émeute :)))

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 12 novembre 2005 à 5:55

Vite, une photo du Jura bernois !
(avec le vélo à côté d'un lama)

Publié par François Guillaumat le 12 novembre 2005 à 7:11

Dass der Autor die Ausschreitungen als französische Intifada bezeichnet, erscheint wenig zutreffend und eher alarmistisch. Die Unterschiede zur palästinensischen Intifada sind enorm.

(Ausführlicher:
http://taktil.blogspot.com/2005/11/franzsische-intifada.html)

Publié par Urs Meil le 12 novembre 2005 à 12:01

"...avec le vélo à côté d'un lama..." Ça se mange saignant le Lama ? :))))

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 13 novembre 2005 à 2:10

@Urs
Les différences ne sont pas si énormes que cela, il y a déjà eu pas mal d'arguments en faveur de cette analogie dans les précédents billets. Le soulèvement populaire d'une foule à majorité musulmane dans un but de destruction est forcément comparable à une situation d'intifada.

Publié par Ares le 13 novembre 2005 à 13:56

Le terme d'intifada, que j'avais déjà employé en juillet dernier comme hypothèse suite aux attentats de Londres, n'a pas été choisi à la légère. Peut-être est-il cependant nécessaire d'expliquer comment je le considère pour éviter de fausses interprétations. L'intifada à laquelle je me réfère est celle de 1987, c'est-à -dire une révolte populaire et générationnelle qui, bien qu'instrumentalisée par la suite, était bel et bien spontanée. L'islamisme n'a joué aucun rôle ou presque dans cette intifada, qui se concrétisait avant tout par des jets de pierre sur les Forces armées israéliennes et a eu un impact considérable. En revanche, ce mouvement a bel et bien été récupéré, cette révolte a été à la fois canalisée et systématisée, de sorte que la deuxième intifada a été bien différente. Les jeteurs de pierre sont devenus les cadres de réseaux terroristes. Et c'est bien la raison pour laquelle il me paraît judicieux de parler d'intifada française : un tel développement, dans le même horizon temporel (10-15 ans), me semble tout à fait possible.

Publié par Ludovic Monnerat le 13 novembre 2005 à 18:32

Comment vont réagir les autorités et les médias suisses ?

"- Fribourg - Un véhicule a été incendié dimanche soir dans le centre-ville de Fribourg. L'incident n'a pas fait de blessés. Pour l'heure, les causes de l'incendie ne sont pas connues, a indiqué à l'ats la police cantonale fribourgeoise.

La voiture, stationnée dans le quartier de Pérolles, a été entièrement détruite par l'incendie, ont précisé les forces de l'ordre. Sur place, un officier de police a précisé qu'il était possible que cet incident ait été inspiré par les violences qui secouent depuis plusieurs jours les banlieues françaises.

A l'aube déjà , deux automobiles avaient été incendiées en ville de Martigny, en Valais. L'un des véhicules avait été entièrement détruit mais l'intervention rapide des pompiers avait permis de limiter les dégâts au second. La police cantonale valaisanne privilégie la thèse de l'incendie intentionnel."

Publié par Deru le 14 novembre 2005 à 2:16

Le problème que tout le monde semble éluder: la misère crée par notre système de plus en plus libéral. A qui profite le crime, qui sont les véritables fauteurs de trouble?
Dormez tranquile brave gens! cela pourrait bien ne pas durer, la situation ne s'arrete pas aux lieux mise au ban.

Publié par facultatif le 14 novembre 2005 à 7:21

Comparaison n'est pas raison, mais ce petit article Nipon, suggérant que certains jeunes laissés entres-eux avec peu de liens avec leurs familles (la faute aux téléphones mobiles dit l'article) auraient des comportements très similaires aux singes:

http://mdn.mainichi-msn.co.jp/waiwai/news/p20051110p2g00m0dm013000c.html

Ce qui expliquerait certains comportements dans les banlieues désoeuvrées (pas seulement en France): Bandes, notion forte de territoire, ...

Publié par IVLIANVS le 14 novembre 2005 à 12:40

"auraient des comportements très similaires aux singes"

:oD

Voilà un postulat plutôt osé!
Je ne donne donne pas cher de l'éditorialiste français ou suisse qui oserait s'aventurer sur cette pente-là ...

Publié par fingers le 14 novembre 2005 à 13:38

Et pourtant, on n'est pas loin de la vérité, semble-t-il...

Publié par Ares le 14 novembre 2005 à 22:07

Notons aussi, dans un souci d'impartialité, que nos braves soldats suisses, laissés à eux mêmes retombent relativement rapidement dans des schémas de comportements simièsques (ca c'est mon experience de sous-of) mais ne se limite probablement a l'armée Suisse ;-)

Publié par IVLIANVS le 15 novembre 2005 à 8:53

http://www.romandie.com/infos/news/051117085413.9ckn7kbd.asp

Retour à une situation "normale" (sic) - 98 véhicules incendiés la nuit dernière....

Banlieues: retour à une situation normale partout en France
PARIS - La police a fait état d'un "retour à une situation normale partout en France" dans la nuit de mercredi à jeudi, après la vague de violences qui a touché de nombreuses banlieues depuis le 27 octobre.

98 véhicules ont été incendiés, ce qui représente la moyenne habituelle enregistrée chaque nuit en France, a précisé la direction générale de la police nationale (DGPN).

Aucun affrontement ou incendie de bâtiment n'a été relevé et aucun blessé n'a été signalé, selon la police qui est restée mobilisée avec près de 10.000 hommes déployés sur le terrain.

Quelque 9.000 véhicules et des dizaines de bâtiments, dont des écoles et des commerces, ont été incendiés pendant ces violences déclenchées en banlieue parisienne par la mort accidentelle de deux adolescents, avant de s'étendre en France. Des dizaines de policiers, pompiers, habitants et émeutiers ont été blessés.

Malgré le retour au calme dans les banlieues, la France a prolongé mercredi de trois mois l'état d'urgence, instauré le 8 novembre, en vertu d'une loi datant de 1955 et de la guerre d'Algérie.

La France sera ainsi placée, jusqu'en février, sous ce régime qui autorise notamment l'instauration de couvre-feux, des perquisitions de police de jour comme de nuit et l'interdiction de certains rassemblements.

Cette prolongation est intervenue alors même que le couvre-feu imposé aux mineurs a été levé dans plusieurs régions.

Par ailleurs, près de 400 personnes ayant participé à ces violences ont été condamnées à la prison ferme. La peine la plus lourde prononcée, à l'encontre d'un jeune homme accusé d'avoir incendié un grand magasin à Arras (nord), est de quatre ans ferme.

Des procédures d'expulsion ont enfin été engagées mardi contre dix étrangers accusés d'avoir participé aux émeutes, selon le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy. Cette décision, critiquée par des associations, est approuvée par 63% des Français, selon un sondage.

La ligne dure du ministre, critiquée par l'opposition de gauche, reçoit elle le soutien de plus des deux tiers de la population.

Plus de 2.000 personnes ont manifesté mercredi soir à Paris à l'appel d'une cinquantaine de partis de gauche, de syndicats et d'associations contre "l'état d'exception".

La phase aiguë de la crise semblant passée, la France continue cependant à s'interroger sur les causes de ces émeutes sans précédent qui ont embrasé des banlieues pauvres à forte population d'origine immigrée du Maghreb ou d'Afrique noire.

Publié par Deru le 17 novembre 2005 à 12:02