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24 octobre 2005

Le vecteur humanitaire

Ce dimanche, le numéro 2 d'Al-Qaïda a diffusé un message plutôt original. Pour une fois, il ne s'agissait pas de combattre impitoyablement les infidèles, de passer au fil de l'épée tous ceux qui résistent au djihad ou de vouer aux gémonies les apostats qui ne s'y rallient pas. Non, l'appel du docteur Al-Zawahiri était lié au tremblement de terre survenu au Cachemire et à la nécessité pour les musulmans de fournir une aide aux victimes :

Al Qaeda's second in command, Ayman al-Zawahri, urged Muslims in a video broadcast on Sunday to help Pakistan's earthquake victims even though its government was an "agent" of the United States. "I call on all Muslims and Islamic charity organizations in particular to go to Pakistan and give a helping hand to the victims there," a bespectacled Zawahri said in the tape aired on Al Jazeera.

Les organisations d'entraide islamiques et les groupes fondamentalistes n'ont certes pas attendu cette bande vidéo pour lancer de telles activités au Pakistan. Mais celle-ci, apparemment enregistrée au lendemain du séisme, indique que les islamistes ont retenu la leçon du tsunami et compris l'importance de montrer une facette positive de leur action, de prouver aux yeux du monde qu'ils sont capables de faire autre chose que détruire et tuer. Toutes proportions gardées, c'est d'ailleurs l'opportunité que les forces armées américaines avaient saisi lors des opérations d'aide humanitaire en Asie du Sud, et qu'elles ont à nouveau exploité au Pakistan en déployant un nombre important d'hélicoptères de transport. Les images de victimes murmurant « God bless America » lors de leur évacuation par des équipages US ont naturellement eu un impact sur la population pakistanaise.

De ce fait, il est désormais incontestable que l'aide humanitaire constitue pour tous les belligérants une arme dans la conquête des esprits. Les forces régulières et irrégulières, après des années de tâtonnements, ont embrassé la dimension réelle des conflits et accepté le fait que la décision provient d'effets aussi bien offensifs que défensifs, matériels qu'immatériels, létaux que légaux. Les récriminations des ONG contre la confusion supposée entre humanitaire et militaire sont sans objet : lorsque même des groupes armés islamistes se lancent dans l'aide humanitaire si cela correspond à leurs intérêts, c'est que ce type d'action est réservé à tous - et que tous ceux qui le pratiquent peuvent être suspectés d'arrières-pensées prosélytes. En étant pris pour cibles lorsque leurs idées et leur culture sont combattues.

Affirmer que la guerre moderne a pris une dimension sociétale n'est pas une vaine expression.

Publié par Ludovic Monnerat le 24 octobre 2005 à 18:58

Commentaires

On pourrait étendre cette analyse en rappelant que chasser par la force les gouvernements tyranniques allège davantage de souffrances que n'importe quel secours à leurs victimes.

Si l'aide charitable en cas de catastrophe naturelle peut être un prolongement de la lutte politique, dans l'autre sens faire la guerre peut aussi être un acte de charité. Les militaires, qui y risqueront leur vie, en ont conscience, mais il n'est pas mauvais que d'autres le comprennent aussi.

Publié par François Guillaumat le 25 octobre 2005 à 16:43

Ouaouh! Voilà une prolongation de mes réflexions qui vont plus loin que je ne l'aurais pensé. La guerre, un acte de charité? Indirectement, peut-être, et encore! Je ne peux pas adhérer à une telle assertion, parce qu'à mon sens la guerre reste un moyen extrême destiné à protéger des intérêts clairement définis. Si en définitive elle finit par avoir des effets très positifs en renversant des dictatures et en répandant la démocratie, d'accord, mais il ne faut pas oublier le coût humain souvent terrible qui en est le préalable.

Publié par Ludovic Monnerat le 25 octobre 2005 à 17:14

Pour une fois, je m'étonne devant l'apparente timidité de notre cher Ludovic:

je pensais que, 60 ans après Auschwitz, il était désormais devenu clair et acquis que se battre pour arrêter des tortionnaires et des gazeurs de bébés comme les nazis était bien... "faire oeuvre charitable" ?

Publié par jc durbant le 25 octobre 2005 à 19:42

Certes, mais a-t-on planifié l'offensive alliée en Europe pour libérer les camps de concentration ou pour mettre un terme à la menace nazie? Les démocraties peuvent naturellement se prévaloir régulièrement d'avoir abattu des dictatures immondes, mais celles-ci ne les dérangent lorsqu'elles servent leurs intérêts. Les exemples sont nombreux pendant la guerre froide, mais on peut également en citer pour notre époque (voir la passivité de la communauté internationale face aux exactions d'un Mugabe, par exemple) et pour avant la SGM (il a fallu Pearl Harbour que les Etats-Unis affrontent les Japonais - le viol de Nankin n'y a pas suffi).

Je ne pense donc pas faire preuve de timidité, mais de pragmatisme dans l'usage de la force. Et de façon logique : si mon gouvernement décide un jour de m'envoyer au diable vauvert, puisque je suis tenu de le faire, j'aimerais que ce soit en fonction des intérêts de mon pays!

Publié par Ludovic Monnerat le 25 octobre 2005 à 20:27

"apparemment enregistrée au lendemain du séisme, elle indique que les islamistes ont retenu la leçon du tsunami et compris l'importance de montrer une facette positive de leur action, de prouver aux yeux du monde qu'ils sont capables de faire autre chose que détruire et tuer. "

Mais au train où ils vont, qu'est-ce qu'ils vont pouvoir rappeler à leurs ouailles la prochaine fois ?

L'importance du... lait pour les dents et les os des enfants ? Ou de... l'amour maternel ? ...

Ou, nouveau signe que tout ne va peut-être pas si bien dans le petit monde de nos terreurs planétaires, serait-ce un message codé pour, sous couvert d'humanitaire, réclamer des... fonds ?

Publié par jc durbant le 26 octobre 2005 à 12:40

"... dimension sociétale..." déjà dans les années 60

Je me rappelle une petite histoire que l'on racontait au Maroc au sujet des dons de lait et de farine américaine qui transitaient par l'ONU : L'officier américain qui s'étonnait que chaque sac qui était déchargé dans un pays d'Asie, recevait un tampon rouge écrit en Chinois, après traduction il apprit que cela voulait dire " Don de la Chine ".

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 26 octobre 2005 à 18:04

Dans les années 60, effectivement : c'est bien à cette époque que les conflits ont commencé à prendre la dimension élargie qu'ils ont aujourd'hui.

Publié par Ludovic Monnerat le 26 octobre 2005 à 18:10

A noter l'émission "C dans l'air" de la 5 francaise consacré à ce désastre et le profit quand font les islamistes comblant les carences de l'état Pakistanais et le désintérer apparent de la communauté internationale.

Il faut se bouger avant que l'hiver arrive et bloque la circulation dans la région.

Et l'opinion publique ne suit pas, 500 000 € de dons en France, on est loin du niveau des secours du tsunami.

J'ai lut qu'un navire transportant de l'équipement lourd pour les Seabees (génie militaire de la Navy) était partie du Koweit pour le Pakistan mais le temp d'arriver sur les lieux, il se passerat des semaines.

On à parler d'un pont aérien organisé par l'OTAN, il faudrait qu'il se mette en place plus rapidement.

Publié par Frédéric le 27 octobre 2005 à 21:05

"Et l'opinion publique ne suit pas, 500 000 € de dons en France, on est loin du niveau des secours du tsunami."

Oui, mais pourquoi ils prennent pas sur les restes des fonds collecté"s pour le tsunami asiatique ,

Et 550 millions de dollars ou d'euros, qu'est-ce que c'est pour les... pétro-autocraties musulmanes du Golfe en train de croûler sous les dollars suite au renchérissement actuel du pétrole ?

Publié par jc durbant le 31 octobre 2005 à 11:02