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29 octobre 2005

Le sourire du divisionnaire

La Figaro a publié hier un article alarmant sur une menace d'attentats terroristes islamistes utilisant des missiles sol-air russes pour abattre des avions de ligne. D'après ce texte, qui retrace les enquêtes du juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière, il s'agirait de 2 SA-18 Igla acquis en Tchétchénie et dont la trace s'est perdue quelque part en Europe. Même si une autre source judiciaire mettrait un bémol à cette menace, si l'on en croit Libération, de tels projets ont apparemment été suffisants pour amener la Grande-Bretagne début 2003 à sécuriser ponctuellement l'aéroport de Heathrow avec des moyens militaires lourds.

L'intérêt des terroristes pour la destruction en vol d'avions de ligne n'est pas nouveau, tant ces cibles frappent les opinions publiques. Le 26 janvier 1976, trois membres du Front Populaire pour la Libération de la Palestine avaient ainsi été arrêtés à l'aéroport Embakasi de Nairobi alors qu'ils se préparaient à tirer un missile SA-7 sur un appareil de la compagnie israélienne El Al. Bien plus près de nous, 2 missiles de type SA-7 avaient été tirés le 28 novembre 2002 sur un avion charter israélien au Kenya, sans parvenir à le toucher. Et plusieurs affaires de contrebande de missiles sol-air russes ont également éclaté ces dernières années.

Un homme doit accueillir ces récentes informations avec un certain sourire : le divisionnaire Peter Regli, ancien chef du groupe des renseignements à l'état-major général suisse. Ce général 2 étoiles, entre autres accusations depuis balayées par les enquêtes parlementaires et administratives, s'était en effet vu reprocher d'avoir accepté en 1992 la proposition d'acquérir en Europe de l'Est 2 missiles SA-18 afin d'étudier en détail leurs capacités et de trouver les moyens de s'en prémunir. Loin d'être une lubie personnelle ou un investissement en pure perte, cette action - au demeurant légale - prend aujourd'hui tout son sens.

La plupart des appareils militaires, à voilure fixe ou tournante, sont aujourd'hui équipés de contre-mesures qui les mettent partiellement à l'abri d'attaques terroristes au missile sol-air. L'étude des engins issus de l'ex-Union soviétique a d'ailleurs contribué à cette protection, et l'armée suisse a tiré profit de l'achat des 2 SA-18. Mais faire de même avec les avions de ligne civils n'est pas concevable, ne serait-ce que pour des raisons économiques. On imagine d'ailleurs mal les riverains des aéroports accepter des avions dotés de systèmes automatiques, susceptibles de projeter des leurres infrarouges bien peu écologiques à la moindre fausse alerte.

Il n'en demeure pas moins intéressant de constater qu'avoir raison longtemps avant tout le monde, dans le domaine de la sécurité, revient à prendre des risques considérables.

Publié par Ludovic Monnerat le 29 octobre 2005 à 12:19

Commentaires

"faire de même avec les avions de ligne civils n'est pas concevable, ne serait-ce que pour des raisons économiques."

Mais ne peut-on envisager des contre-mesures dans les aéroports mêmes et que donc, à défaut des appareils, les aéroports israéliens, voire américains en seraient déjà équipés ?

Sans compter qu'à terme, nous soyions obligés d'en envisager dans les appareils mêmes, selon la logique du terrorisme islamiste qui semble indiquer qu'un jour, "nous - occidentaux - serons tous des... Israéliens" !) ?

Par ailleurs, ne pourrait-on supposer que l'ETA ait stocké ces armes pour un usage ultérieur, voire pour "dépanner" un autre groupe ?

Enfin, je comprends pas bien en quoi Mombasa serait "bien plus près de nous" que... Nairobi ? Ou est-ce à prendre au sens chronologique (2002 vs. 76) ?

Publié par jc durbant le 29 octobre 2005 à 14:01

Oui, c'était bien au sens chronologique. En pensant aussi au fait que c'est Al-Qaïda qui a revendiqué les attentats de Mombasa, et pas un groupe palestinien.

Protéger les aéroports? Cela signifie sécuriser un secteur immense (5 km de rayon autour de la piste au minimum) alors qu'une grande partie des aéroports du monde sont au voisinage de zones urbaines importantes. Pas vraiment une solution. Quant aux appareils, c'est matériellement possible, mais exige des investissements et des précautions énormes. Le risque ne justifie probablement pas cela.

Maintenant, il est clair qu'un groupe terroriste peut parfaitement être amené à en appuyer un autre pour une action consistant à abattre un avion de ligne au décollage (ou à l'atterrissage). Dans un registre proche, la collusion entre les réseaux islamistes et les groupes mafieux en Italie n'est pas un cas isolé. Cependant, les missiles portables sol-air restent des engins assez complexes à maintenir en état, et exigent donc des compétences rares - spécialement pour les modèles occidentaux. Même pour le stockage.

Publié par Ludovic Monnerat le 29 octobre 2005 à 15:01

Ce qui est étonnant ce que le projet de loi Anti terrorisme de M. Sarkozy vient juste d'etre deposé !
On savait déja qu'il etait doué pour la politique spectacle et les "coincidences médiatiques", mais maintenant Le Figaro vient jeter de l'huille sur le feu avec une histoire de missiles datant de 5 ans !
Il est presque certains que l'insécurité et les risques de terrorisme vont prendre beaucoup de place dans nos médias ces prochaines semaines !

Publié par MediaPulp le 30 octobre 2005 à 20:36