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23 août 2005

Irak : la résilience US

Un texte de l'analyste américain Ralph Peters, paru dans le New York Post d'aujourd'hui, se penche sur un phénomène intéressant : les taux parfois records de rétention au sein des grandes unités de l'US Army déployées en Irak ainsi que dans le reste de ce service. Alors que le recrutement dans l'US Army reste difficile, ces pourcentages de réengagements sont un indice probant de la cohésion et de la motivation des troupes. Et selon Peters, le patriotisme en est une cause majeure :

Guess we have to face it: Patriotism is alive and well. Soldiers believe in the Army, and they believe in their missions in Iraq and Afghanistan. They love their comrades, too. And yes, the word is "love." They would die for the man or woman serving beside them. They're risking their lives to save a broken state, to give tens of millions of human beings a chance at decent lives, to do the grim work that no one else in the world is willing to do.

Au-delà du plaidoyer auquel se livre cet ancien officier du renseignement, cet extrait rappelle que les valeurs forment la base des armées et de la vie militaire, et que les pires épreuves peuvent être surmontées si ces valeurs demeurent intactes. En Irak, les unités US sont confrontées à un conflit de basse intensité dans lequel la confusion, l'incertitude et l'instabilité atteignent un très haut degré. Le fait que les femmes et les hommes qui y servent acceptent nettement de poursuivre leur carrière, et donc de retourner à brève échéance dans le même pays, est la marque d'une institution portée par des valeurs solides.

Si l'on se rappelle les difficultés de l'US Army dans les années 90 à conserver la notion-même de valeur, cela en dit long sur l'importance respective des préparatifs matériels et spirituels au sein des armées.

Publié par Ludovic Monnerat le 23 août 2005 à 19:41

Commentaires

Je vous signale cette article sur la capacité d'oublie des armées réguliéres et spécialement de l'US Army des lecons des contre guérillas qu'elles on eu à affronter par le passé, il y a un déja un post sur le suget récemment ;)

http://www.thebulletin.org/article.php?art_ofn=ja05vest

Publié par Frédéric le 23 août 2005 à 21:06

Kass' Spirituality Resilience Assessment (SRA)

Kass est un professeur de la consultation et de la psychologie à l'université de Lesley à Cambridge, Massachusetts, et le coordonnateur du clergé de Boston et du groupe religieux des Chefs pour le dialogue interconfessionnel.

http://www.spiritualityhealth.com/newsh/items/article/item_6885.html

http://deploymentlink.osd.mil/deploymed/MentalHealth/PosttraumaticStress/DOD145.shtml

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 23 août 2005 à 21:07

Merci pour ces liens fort intéressants! Celui mentionné par Frédéric est en particulier interpellant lorsque l'on s'intéresse au développement des doctrines d'emploi militaires : l'US Army, qui s'est largement construite durant les petites guerres contre les Indiens d'Amérique, a toujours été terriblement rétive à l'adoption d'une doctrine adaptée, préférant les offensives type "bulldozer" dont la Guerre du Golfe en 1991 restera l'archétype. Même au Vietnam, l'US Army a refusé de se transformer et de s'adapter au conflit, préférant presque la défaite au changement de culture. Les efforts entrepris ces dernières années montrent l'urgence de la situation...

Publié par Ludovic Monnerat le 23 août 2005 à 21:25

Toutes les armées réguliéres sont rétives à ce type de conflit confut. Un ennemi identifié et identifiable, des régles claires, des objectifs concrets, tels est le "bonheur" des officiers au combats.

Publié par Frédéric le 24 août 2005 à 11:27

Si d'après Peters, le taux de rétention haussier de l'armée US trouve l'essentiel de sa justification dans un déterminant patriotique, on pourrait considérer une autre explication, plus sombre et sensiblement plus complexe (toute médaille - fut-elle militaire - possède un revers).

Je m'explique. Un oeil profane mais informé et critique aura remarqué les intenses efforts produits par l'US Army pour recruter de nouvelles forces vives par le biais d'unités dédiées qui battent campagne dans le Homeland pour séduire et convaincre, principalement les très jeunes et les très démunis (pour faire court, rien de tel que quelques clichés... qu'on me pardonnera).

En échange du don de leur temps - potentiellement de leurs enveloppes corporelles - à l'Oncle Sam les conscrits se voient pris en charge à la manière de ce qu'E. Goffman appelait l'institution totale, soit : "un lieu de résidence ou de travail où un grand nombre d'individus, placés dans une même situation, coupés du monde extérieur pour une période relativement longue, mênent ensemble une vie recluse dont les modalités sont explicitement et rigoureusement réglées".

Même si l'exemple de Goffman se rapportait plutôt aux prisons et autres asiles qu'il ne me viendrait pas à l'esprit de comparer à l'armée US (soyons justes et clairs), je ne peux m'empêcher de penser que ces soldats qui rempilent le font peut-être pour des raisons patriotiques mais plus sûrement à cause de l'appréhension que peut susciter un retour à la vie civile qui n'est jamais aisé pour les personnes institutionnalisées (dingos et taulard goffamaniens ou soldats licenciés).

D'un point de vue sociologique, la forte déconnexion qui s'opère entre ce que ces soldats vivent sous le drapeau (patriotisme et amour du camarade inclus) et ce qu'ils trouvent dans le civil à leur retour explique à mon avis mieux le pourquoi de la rétention.

Ce qui n'est pas le moindre des paradoxes puisqu'en cherchant la "sécurité" le soldat John Doe risque de mourir plus vite et plus jeune qu'en retournant pousser les charriots du Safeway du coin (ou certes il mourra moins vite, mais d'un ennui certain :-).

Publié par Sgt. Maeder le 24 août 2005 à 16:00

Voilà une analyse qui complète judicieusement celle de Ludovic Monnerat. Car les raisons avancées par ce dernier étaient, à mon avis, un peu trop unilatérales.

Alex

Publié par Alex le 24 août 2005 à 16:41

Comment cela, unilatérales? :)

Entièrement d'accord avec vous, cela dit. C'est un élément à prendre en compte dans l'appréciation de la question. Merci pour ce commentaire, sergent!

Publié par Ludovic Monnerat le 24 août 2005 à 16:50

À chacun sa résilience.

Le deuil de la trahison.

http://fr.danielpipes.org/article/2869

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 27 août 2005 à 0:47

Le rapport avec ce billet est tenu, je le concède, mais j'ai trouvé cette analyse, qui devrait vous intéresser, sur le background des soldats américains... Sont-ils issus des minorités, vocations, etc... :)

Demographic Characteristics of U.S. Military Recruits Before and After 9/11
by Tim Kane, Ph.D.
Center for Data Analysis Report #05-08

http://www.heritage.org/Research/NationalSecurity/cda05-08.cfm

Publié par Deru le 30 novembre 2005 à 12:45