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15 juillet 2005

Le déclin de l'islamisme

Une enquête d'opinion menée notamment avec 6200 personnes dans 6 pays musulmans différents confirme le basculement des perceptions qui est apparu ces derniers mois : la popularité de la mouvance islamiste a fortement baissé, tout comme l'approbation des attentats-suicides (même en Irak), alors que l'attrait des valeurs démocratiques a clairement augmenté. Ces chiffres, qui semblent s'appuyer sur une méthodologie fiable, indiquent ainsi des tendances qui revêtent une importance cruciale dans la guerre des idées propre à notre temps :

The results, which also reveal widespread support for democracy, show how profoundly opinions have changed in parts of the Muslim world since Pew took similar surveys in recent years. The poll attributed the difference in attitudes toward extremism to both the terrorist attacks in Muslim nations and the passage of time since the U.S. invasion of Iraq.
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The new poll also found that growing majorities or pluralities of Muslims now say that democracy can work in their countries and is not just a Western ideology. Support for democracy was in the 80 percent range in Indonesia, Jordan, Lebanon and Morocco. It was selected by 43 percent in Pakistan and 48 percent in Turkey -- the largest blocks of respondents in both countries because significant numbers were unsure.
"They are not just paying lip service. They are saying they specifically want a fair judiciary, freedom of expression and more than one party in elections. It wasn't just a vague concept," Kohut said. "U.S. and Western ideas about democracy have been globalized and are in the Muslim world."

Ces lignes rappellent que le terrorisme reste une méthode contre-productive dès lors qu'on l'emploie de manière indifférenciée : les nombreux attentats commis dans le monde arabo-musulman, y compris les massacres quotidiens que subit la population irakienne, expliquent en grande partie la chute de popularité des islamistes, dont l'image d'opposants courageux à la superpuissance américaine s'est transformée au fur et à mesure qu'ils se sont mis à menacer l'existence des citoyens musulmans. Le fanatisme des intégristes s'avère ainsi leur plus grande force, puisqu'elle leur donne une volonté presque indomptable, mais aussi leur plus grande faiblesse, puisqu'elle les empêche de conquérir les cœurs et les esprits. A la brutale consternation de Ben Laden et consorts, la grande majorité des musulmans ne veut pas entendre parler d'un califat rénové, régi par l'interprétation la plus rigoureuse des textes coraniques. Ils aiment bien trop la vie pour accepter ce fantasme moyen-âgeux.

Mais cette enquête montre également le succès de la stratégie américaine visant à répandre les valeurs démocratiques, et l'aveuglement de ceux qui - en Europe ou ailleurs - ont juré à l'impossibilité d'une telle entreprise. Le fait que l'image des Etats-Unis reste défavorable ne les empêche pas de poursuivre efficacement la démocratisation et la modernisation du monde arabo-musulman, et donc la marginalisation de l'islamisme. Bien entendu, les résultats de cette enquête doivent être confirmés, et il serait erroné d'en tirer des conclusions définitives ; ceci étant, de tels indices montrent clairement que la guerre des idées tourne à l'avantage des démocraties, et que l'opération militaire de la coalition en l'Irak contribue à cela. Une perspective qui tarde toujours à faire son apparition dans les reflets et commentaires de nombreux médias sur notre continent!

Publié par Ludovic Monnerat le 15 juillet 2005 à 10:19

Commentaires

Les gens des pays musulmans disent apprécier la démocratie depuis bien longtemps. La seule «nouveauté» est le goût de l'islamisme pour la démocratie.

At the same time, however, most Muslims surveyed said they think Islam is playing an increasing role in their politics, a development they view as a positive shift in response to economic problems, growing immorality and concern about Western influence.

Si ce mouvement prend de l'ampleur, nous aurons de plus en plus de démocraties dans lesquelles «l'Islam joue un rôle croissant dans les affaires politiques».

Doit-on vraiment s'en réjouir?

Publié par ajm le 15 juillet 2005 à 10:53

D'accord avec ajm.

Publié par fingers le 15 juillet 2005 à 11:37

Tous les régimes sont démocratiques ( Pinochet ne disait-il pas que la démocratie c'était lui!ce sont les enfants du peuple qui fournissent la " force de frappe " ( police, armée, tribunaux etc. ) aussi il est vain de parler de démocratie si l'on ne défini pas quel genre de démocratie. La plupart des Arabes, Berbères, Pachtounes fonctionnent dans des formes de démocraties directe très bien adaptées à leurs besoins. Le problème n'est donc pas la démocratie mais bien la référence, le code de valeurs... Je ne vois pas les Musulmans embrasser les valeurs chrétiennes qui sous entendent le type de démocratie que nous cherchons " à vendre ". Aussi nous revoilà à la case départ : Le Coran et son code de valeur... à réformer. Alors ce n'est pas demain que les Assassins gardiens vigilants du code, interprété par les Oulémas, hurlé sur la place public, baisseront les bras. Tout au plus nous assisterons à une trêve ou la Politique de Divan reprendra un temps jusqu'à la prochaine crise ad vitam eternam.

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 15 juillet 2005 à 14:10

À moins que nous ne mettions en place un divan vraiment efficace.

Publié par ajm le 15 juillet 2005 à 14:18

"Le fait que l'image des Etats-Unis reste défavorable ne les empêche pas de poursuivre efficacement la démocratisation et la modernisation du monde arabo-musulman"
=> Ca me semble un peu poussé. Sur place, les démocrates bossent aussi et ce sont eux qui, accessoirement (?), sont mis en prison, torturés.
En plus, ça répand l'idée que la démocratie est une valeur occidentale. A ce propos, lire ce texte d'Aung San Suu Kyi: http://www.nobel-paix.ch/documents/suu_kyi-disc.htm

Publié par Philippe le 15 juillet 2005 à 14:19

"...un divan vraiment efficace..."

Je ne pense pas que vous faites référence à l'O.N.U. et je crois que nous devrions tous élaborer sur ce sujet d'avenir. Quelle structure, quelle méthode permettra d'arrimer nos codes de valeur, nos codes de vie et non pas de mort. Il est stupéfiant de voir un professeur et de jeunes adultes s'embarquer dans une chimère. C'est la faillite de toute éducation qui nous saute aux yeux. Aurons-nous le courage d'admettre que nos civilisations transcendent notre naissance, que nous pouvons renaître au delà des générations chargé de la mémoire collective. Que nous sommes différents et non pas homogènes et s'il y a éloge de la différence c'est justement de la reconnaître et de dénoncer les codes pervers pour les éradiquer.

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 15 juillet 2005 à 16:03

Je pense vraiment à un divan, c'est-à -dire à une assemblée consultative dont le poids des recommandations dépendrait de l'importance des majorités qu'on pourrait y réunir. Et je l'installerais dans une (nouvelle) oasis proche de La Mecque. J'y appellerais les pèlerins, les croyants et les gens de bonne volonté du monde entier. Et je les prierais de se mettre d'accord sur les questions les plus épineuses de notre époque. Oui, un vrai divan. Dont le sultan serait le monde. Nous tous.

Publié par ajm le 15 juillet 2005 à 16:14

C'est un beau projet, un beau risque comme disait René LESVESQUE. Inch Ahla

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 15 juillet 2005 à 17:07

attention, the Pew Research Center est un organisme peu crédible qui fait de l'info mais aussi de la désinformation et de la manipulation d'opinion, cf l'affaire récente du saumon d'élevage !!!

Publié par JPC le 15 juillet 2005 à 17:10

Je signale cette article on annonce qu'un Jamaicain Lindsay Germaine serait le kamikase de Russel Square :

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-669420,36-672750@51-671963,0.html

Il y avait déja l'affaire de l'"homme à la chaussure piégé" originaire de la méme ile mais je pensais que cela était un cas isolé.

La conversion à un "idéal" suicidaire peut touché tout le monde.

Je signale en passant que l'explosions de mouvements sectaires en tout en Occident depuis 30 ans me semblent un signal fort quand à la pertes de valeurs et de boussoles de notre civilisation.


Publié par Frédéric le 15 juillet 2005 à 18:11

Notre civilisation a bien des défauts mais elle est très loin d'avoir perdu ses valeurs même si on ne les pratique pas toujours à la lettre et notre boussole indique encore bien vers quoi nous devons tendre car les Américains sont vigilants pour nous tous qui semblons préférer les beaux principes à l'action. Les mouvements sectaires font parti de notre civilisation et même s'ils peuvent nous donner froid dans le dos ils sont étroitement surveillés justement pour apprendre leurs méthodes. Le problème avec les Islamistes de nouvelle génération c'est qu'ils ressemblent à la rage muette ( rage ne présentant aucun symptômes agressifs ). Nous sommes là impuissants et je me répète seule la mobilisation des Citoyens, avec des méthodes simples et un anonymat garanti pourra contrer ce fléau. Nous avons au Canada depuis la guerre des motards et la loi anti gang la possibilité de téléphoner pour donner des informations anonymes. Les autorités policières disent être très satisfaites du résultat. Évidemment ça les oblige à enfiler leurs salopettes et de jouer au jardinier pour arracher des plants de pote dans la culture de mais ce qui n'est pas très productif mais par contre bien médiatisé rapproche les forces policières des citoyens " ordinaires ".

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 15 juillet 2005 à 19:31

Declin de l'islamisme ou pas, il faut quand meme admirer la remarquable qualite de la formation dispensee a nos jeunes musulmans par nos meilleurs journalistes (The Guardian), ainsi que la non moins remarquable objectivite de nos journalistes du Monde (qu'on imagine la reaction que produirait la publication dans le meme Monde de telles demonstrations de compassion de la part de nos jeunes musulmans si moderes si on avait eu le meme type d'attentat en France)...

"Qui est le plus barbare ?", écrit un musulman en colère
LE MONDE | 14.07.05 |

Le quotidien britannique de centre-gauche, The Guardian a publié mardi 12 et mercredi 13 juillet deux "commentaires" signés par deux musulmans qui éclairent les raisons de la sourde colère qui monte dans les communautés musulmanes et favorise le recrutement des "djihadistes" prêts à passer à l'action. Pour les deux auteurs, l'invasion de l'Irak a joué et joue encore un rôle déterminant dans cette colère. Salim Lone, ancien porte-parole de la mission des Nations unies en Irak, est en colère. "Oui, les terroristes sont barbares" , écrivait-il mardi. "Mais il ne faudrait pas oublier les crimes contre l'humanité récemment commis à Falouja, Nadjaf, Qaïm, Jénine et dans les villages et les montagnes d'Afghanistan. Qui est le plus barbare ? (...) Pour chaque Occidental tué par des terroristes musulmans depuis la fin de la guerre froide, au moins cent musulmans sont morts dans les guerres et les occupations perpétrées par l'Ouest."

"Né et élevé dans le Yorkshire", comme il le souligne lui-même en rappelant que trois des quatre auteurs présumés des attentats de Londres venaient de cette région anglaise, Dilpazier Aslam, journaliste stagiaire au Guardian , rappelait mercredi que 2 749 personnes ont été tuées dans les attaques du 11 septembre 2001. "Pour découvrir le coût de la "libération" des Irakiens, note-t-il, il faut multiplier ce chiffre par huit. Et encore, vous êtes encore loin du minimum estimé, de 22 787 civils tués à ce jour." "Mais maintenant que Londres a été touchée par le terrorisme, il n'est pas "cool" de dire cela", écrit Dilpazier Aslam. Les Britanniques se demandent : "Pourquoi nous ?" "Même interrogation chez les mères irakiennes tandis que les "dommages collatéraux" augmentent de jour en jour en Irak", assène l'auteur.


"NE FAITES PAS DE VAGUES"


"Les deuxième et troisième génération de musulmans [immigrés au Royaume-Uni] n'ont pas l'attitude silencieuse et la retenue de leurs anciens. Nous sommes beaucoup plus impertinents dans nos opinions et on se moque de savoir si elles vont ou non faire des vagues. Les jeunes musulmans britanniques n'en peuvent plus de ces soi-disant "leaders communautaires" qui restent silencieux tandis que monte la colère dans les rues. Je suis allé prier dans une mosquée de Leeds récemment pendant le mois de ramadan (...). Il y avait des centaines de gens, beaucoup originaires d'Irak. Pas un mot de l'imam sur Falouja [la ville irakienne qui venait d'être écrasée par l'armée américaine]".

"Pour l'Aïd, à la fin du ramadan, poursuit Aslam, je suis allé prier à Sheffield. La plupart des gens présents étaient furieux de ce qui se passait en Irak. Là encore, pas un mot de l'imam." Il faut arrêter cela, conclut Dilpazier Aslam. "Car l'attitude du "ne faites pas de vagues" de nos anciens ne veut pas dire que l'agitation décline, elle signifie au contraire qu'elle montera jusqu'à ce qu'il ne soit plus possible de la contenir."

Patrice Claude
Article paru dans l'édition du 15.07.05


Publié par jc durbant le 16 juillet 2005 à 3:14

J'avais lu ces articles et je me suis dit que je perdais mon temps à chercher désespérément une information réaliste, honnête et basée sur des faits. Que les vacances de juillet et d'août commençaient avec son lot de morts, de blessés et d'handicapés impossibles à battre par les Islamistes. Je pense que nos journalistes feraient mieux de lâcher le terrorisme, l'Irak et les musulmans auquel ils ne comprennent rien pour le macadam, c'est prévisible, garanti et ça ne ment pas.

http://www.insee.fr/fr/ffc/chifcle_fiche.asp?ref_id=CMPTEF06217&tab_id=215

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 16 juillet 2005 à 6:13

Et Google, ils sont pas genes par l'effrayante précision des images satellites qu'ils viennent de mettre sur le marche ?

"un jour de juin 2004 sont arretes à Lahore, au Pakistan Khalfan Gailani - recherché depuis les attentats de 1998 en Afrique - et Naim Noor Khan, un ingénieur pakistano-britannique très proches d'al-Liby dans les disques durs de leurs ordinateurs, deux plans d'attaque contre des institutions financières à Washington, dont les sièges du FMI et de la Banque mondiale. Le second - une fois encore - contre le métro londonien."

"L'effrayante précision des repérages effectués sur le réseau du métro ont été utilisés, plus d'un an après, par des terroristes appartenant à des cellules indépendantes, étanches au point que l'arrestation de leur propre chef ne leur a pas interdit de frapper, permettant à la machine de guerre enclenchée par al-Liby de réussir son entreprise terroriste, après deux années de tentatives avortées."

Les légions européennes du djihad
Après New York et Madrid, Londres. Pourtant, la traque policière, entamée au lendemain du 11 septembre 2001 et multipliée après la tuerie de Madrid du 11 mars 2004, avait sérieusement affaibli, croyait-on, les réseaux terroristes en Europe. L'attaque du 7 juillet dernier portée en plein coeur de la capitale britannique démontre le contraire. Enquête sur ces nouvelles légions islamistes.
Par Atmane Tazaghart et Roland Jacquard *
[Figaro Magazine, 16 juillet 2005]

http://www.lefigaro.fr/cgi/edition/genimprime?cle=20050715.MAG0007

Publié par jc durbant le 16 juillet 2005 à 11:54