« Toujours des problèmes | Accueil | Problèmes techniques identifiés »

5 juillet 2005

La diagonale des fous

On trouve aujourd'hui sur Fourth Rail une analyse de la situation en Thaïlande du Sud, où l'insurrection islamiste déclenchée voici presque 2 ans semble bien difficile à contrer. Comme à l'accoutumée, la campagne de contre-insurrection menée par le Gouvernement s'est heurtée à l'échec des méthodes frontales issues des conflits conventionnelles, et évolue dans des modes opératoires classiques :

The Thai strategy is to drive a wedge between the professional fighters and the population as a whole. It has come to this strategy only lately, however, having first attempted to crush the insurgency by main force. Only time will tell if the new strategy is more successful, and the combination of diplomacy, social-welfare payouts, and outreach programs can dry up the sea in which the guerrillas swim.

Il est assez intéressant de relever que de nos jours, un pays comme la Thaïlande peut effectivement être en guerre - 880 morts en 18 mois - et rester une destination touristique majeure, qui plus est malgré le tsunami. L'existence même d'une insurrection à motivation idéologique dans une nation en modernisation rapide semble encore plus intéressante : elle démontre que les lignes de fracture autour desquelles s'embrasent les sociétés sont de plus en plus liées à des facteurs immatériels, tels les valeurs et les croyances, qu'à des facteurs matériels comme les ressources ou le commerce. L'idée très en vogue selon laquelle réduire la pauvreté est une manière de réduire les conflits n'est que marginalement vraie.

Ainsi, le discours du "grand échiquier" popularisé par Zbigniew Brzezinski est une vision trompeuse et simplificatrice d'une planète sur laquelle une multitude d'échiquiers gigognes forment une sorte de sculpture fractale tridimensionnelle en perpétuelle instabilité. Je m'explique (encore heureux... ;)) : une collectivité donnée peut être représentée par un échiquier qui lui-même représente une case de l'échiquier que forme la société englobant ladite collectivité. Et le méta-échiquier ultime, celui de la planète, se joue à mon sens dans le domaine des idées, dans la sphère de l'information, parce qu'elle seule interconnecte instantanément et immatériellement toutes les parties nationales, sectorielles ou locales.

C'est pourquoi la diagonale des fous de Dieu balaie irrémédiablement toute la planète, et ne laisse aucune société intacte ou indifférente. Nous sommes tous impliqués, concernés, menacés par l'affrontement qui se déroule jour après jour. Et à la différence de la guerre froide, les règles du jeu ont été déchirées...

Publié par Ludovic Monnerat le 5 juillet 2005 à 23:01

Commentaires

À bien réfléchir ce que vous décrivez a toujours existé ce qui fait vraiment la différence est le réseau nerveux que représente l'Internet. Les méthodes frontales issues des conflits conventionnelles sont en fait les seules solutions viables faute de moyens de communications rapides, universels et planétaires. Garder ces méthodes montre comment il est difficile de s'adapter quand tout va de plus en plus vite et qu'un groupe définit son avenir en disant nous devons garder notre avance, être les plus forts et défendre envers et contre tous si nécessaire, une certaine idée de la démocratie. Une locomotive surchauffée consomme beaucoup aussi l'avenir nous réserve une activité scientifique à peine imaginable. Nous allons connaître une vie ou des conflits militaires ne seront pas plus gênants que les opérations de police avec le milieu. Le renseignement lui aussi va changer et nos lois vont très certainement permettre de soustraire des individus soupçonnés d'être dangereux à des fin de rééducation ou d'extermination si ce n'est pas déjà le cas. Je pense que nous sommes presque prêt d'accepter ce nouveau paradigme.

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 6 juillet 2005 à 1:18

Les fous de dieu ont toujours été, et resteront, une minorité. Pour eux, les conditions de vie ne jouent aucun rôle. Le luxe les intéresse, certes, car d'en disposer confirme - à leurs yeux et à ceux de beaucoup d'autres, hélas - la valeur supérieure de leur foi, mais en même temps ils méprisent le luxe, et le salissent, le souillent, à chaque occasion. Les croyants ne sont pas à vendre contre des biens de ce monde.

La majorité des gens sont raisonnables, sauf en périodes très spéciales. Pour eux, le confort prime sur les illusions - ils veulent d'abord trouver un équilibre, puis des gens qui les aiment, avoir des enfants, faire leur vie à l'abri des tempêtes, et la réussir, autant que possible. Des choses comme ça. Et ici, les biens de ce monde sont prédominants. Et ceux qui n'ont pas vraiment la foi la vendent volontiers!

Ainsi, lorsque des fous de Dieu disposent de beaucoup d'argent et de temps pour promouvoir leur idéologie, la foi en Dieu peut parvenir à dominer le débat de véritables majorités populaires. Et nous arrivons aujourd'hui à une telle crête. Planétaire.

Publié par ajm le 6 juillet 2005 à 9:33

Ne pas oubliez en effet que le monde est encore plus complexe qu'il y a un siécle, le nombre d'états à été multiplié par 4, la population idem, et le nombres de facteurs politiques, religieux, idéologiques capable d'avoir une ampleur planétaire à explosé.

Dans quelle catégorie pourrait on mettre ce site basé en Russie avec des intervenants anglophones sur la guerre en Irak en particulier et tout ce qui peut géner les USA en général avec des articles de toutes origines.

Exemple choisie, la Chine envoie des troupes au Vénézuela pour éviter que le président en mauvais terme avec Washington ne subissent un assasinat de la part des impérialiste US :

http://iraqwar.mirror-world.ru/article/54979

Publié par Frédéric le 6 juillet 2005 à 17:08

(détail) Sans doute suis-je un peu trop formaté par la programmation orientée objet, mais il s'agit plutôt d'un super échiquier que d'un méta échiquier non ?

Publié par nobody le 6 juillet 2005 à 23:10

Peut-être pas tant un détail que cela. Parvenir à visualiser une réflexion est toujours un signe qu'elle peut être intelligible au plus grand nombre...

Publié par Ludovic Monnerat le 6 juillet 2005 à 23:18

Article trés intéressant !
Cette histoire d'interaction entre différents "plans" me fait penser à un ouvrage qui analysait sous l'angle d'une analyse du jeu de Go la stratégie de Mao (de la Mandchourie aux 100 fleurs).
Je l'ai lu il y a longtemps et je ne me rappelle pas tout trés précisément, mais la relation avec votre post est qu'il montrait notamment la simultanéité d'action entre les actions de type militaires et celles de type sociales (tout en démontrant que ces actions se traduisaient en actions de jeu de Go).
Le bouquins s'appelle "Go et Mao" de Scott Borman
http://bibliographie.jeudego.org/boorman.htm


Merci de continuer à poster ce que vous écrivez :)

Publié par Laurent le 7 juillet 2005 à 14:03