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6 juillet 2005

Face au chaos ambiant

Ce reportage paru dans Le Figaro fournit un aperçu passionnant de la situation sécuritaire en Côte d'Ivoire, 8 mois après l'évacuation des ressortissants européens et face à des conditions économiques qui ne cessent de se dégrader. Il montre tous les symptômes des sociétés et des collectivités confrontées à l'effondrement de la sécurité publique : l'improvisation de la fonction sécuritaire au sein de communautés minoritaires, l'inflation des emplois liés à la fourniture de sécurité, la constitution d'espaces sécurisés privés, parfois mobiles, et la perspective de véritables armées stipendiées potentielles, susceptibles selon la situation d'être employées à des fins offensives. Ainsi, l'insécurité devient le facteur d'inégalités le plus important au lieu d'en être la conséquence. C'est le chaos qui provoque la pauvreté davantage que l'inverse. La vie humaine se dévalue avec l'élargissement des victimes désignées à la majeure partie d'une société.

Les milices d'autodéfense communautaires, les entreprises de protection plus ou moins professionnelles et les sociétés militaires privées forment un environnement de plus en plus répandu sur la planète. Cela ne représente pas nécessairement la pire combinaison : un état autocratique règnant sans contre-pouvoir sur une population désarmée peut en effet mener au génocide ou au démocide. Même si la guerre de tous contre tous peut être décrite comme l'antithèse de la civilisation, le massacre industriel ne symbolise jamais qu'une civilisation devenant inhumaine. Pourtant, à terme, et malgré le développement des armes de destruction massive, c'est bien le chaos sanglant qui finit par engendrer les pires horreurs - moins ouvertement, moins scandaleusement, comme en témoigne le conflit en RDC et ses plus de 3 millions de morts depuis 1998.

Cette descente aux enfers de la vie sociale, qui confirme que l'homme reste bien un loup pour l'homme, constitue à mon avis l'une des menaces majeures de notre siècle. Il est assez ironique de constater que les forces armées occidentales, aujourd'hui engagées majoritairement pour juguler le chaos qui menace l'intégrité de sociétés entières (d'où les missions à long terme et à intégration civilo-militaire), sont revenues à une situation opérationnelle comparable au temps de la colonisation, mais dans l'autre sens : il s'agissait à l'époque de répandre la civilisation - et d'en tirer profit, naturellement - dans des contrées perçues comme lointaines, et il s'agit aujourd'hui de préserver cette même civilisation sur une planète qui ne cesse de se rapetisser. Mais une stratégie consistant à préserver le statu quo a-t-elle la moindre chance de réussir ? Est-ce que la transformation permanente, la destruction créatrice, n'est pas une option à retenir ?

Changer le monde avant qu'il ne nous change, reprendre l'expansion civilisatrice pour défaire le chaos dévorant. Cette orientation serait plus tentante si elle ne dégageait pas un remugle de totalitarisme! et ce quelles que soient les intentions derrière le changement.

Publié par Ludovic Monnerat le 6 juillet 2005 à 20:37

Commentaires

Pour arriver à combattre le chaos il faut accepter notre animalité donc toutes les pulsions innées que nous nous cachons pour ne pas reconnaître cette simple vérité : nous sommes des animaux avant d'être des êtres pensants. Promouvoir et même imposer si nécessaire les lois universelles que l'humanité nous chuchote depuis que nous pensons et rejeter que toutes les civilisations sont respectables car il n'y a rien de plus faux et à ceux que j'entends déjà hurler je leur suggère de sauter dans l'arène pour se faire bouffer par les lions.

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 6 juillet 2005 à 21:54

"Mais une stratégie consistant à préserver le statu quo a-t-elle la moindre chance de réussir ? "

Non !......Réponse laconique et désespérée ;-))

B.

Publié par B. le 6 juillet 2005 à 22:49

Désolé de me répéter mais moi je note surtout à nouveau le peu d'intérêt des médias français pour ce genre d'infos quand elle touche des militaires français (ie. le fait que ces entreprises de sécurité sont en bonne partie pourvue d'anciens militaires français), alors qu'on en fait des tonnes quand il s'agit des... Américains en Irak !

"Comme en Irak, des sociétés militaires privées fleurissent. Grâce à leur port d'arme, elles proposent des services plus «musclés», allant de la garde rapprochée à l'entraînement militaire. Elles sont composées d'anciens militaires, souvent français. Selon le responsable local de l'un de ces groupes, quelques militaires de «Licorne», une fois leur mandat de quatre mois achevé, viennent frapper à leur porte."

Sans compter les couacs où là , il y a plus personne quand à nouveau il s'agit pas des Américains !

"Nouveau «couac» dans l'actualité judiciaire : deux des militaires condamnés le 21 juin dernier et aussitôt écroués à Fresnes pour le pillage d'une banque commis il y a un an en Côte d'Ivoire ont été libérés par erreur mercredi, vraisemblablement à la suite d'une bévue administrative."

"La remise en liberté de Denis Journault et d'Alexandre Valat tombe d'autant plus mal que la décision rendue il y a une dizaine de jours par le tribunal aux armées (nos éditions du 22 juin dernier) a depuis lors fait l'objet d'un début de polémique entre le gouvernement et les avocats de la défense. Les douze militaires de l'opération «Licorne» qui comparaissaient pour avoir pillé quelque 220 millions de francs CFA (337 000 euros) dans une banque de Man, dans l'ouest du pays, alors qu'ils étaient censés la surveiller ont en effet écopé de peines variant de deux mois à un an de prison ferme. Or, ces condamnations ont été jugées trop clémentes par le ministère de la Défense - échaudé par l'impact de ces pillages sur l'image de la France en Côte d'Ivoire - qui a aussitôt demandé au garde des Sceaux d'en faire appel."

Condamnés pour un pillage en Côte d'Ivoire
Deux militaires français remis en liberté par erreur
C. L.
Le Figaro,
02 juillet 2005

Publié par jc durbant le 6 juillet 2005 à 23:11