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1 juin 2005

Irak : l'échec du terrorisme

La couverture médiatique du conflit en Irak ne change pas fondamentalement : ce sont toujours les attentats et la violence qui occupent le devant de la scène, même si les développements politiques sont trop importants pour être passés sous silence. Les dépêches comme celle-ci illustrent parfaitement la perception donnée du pays, bien que son titre ("Iraqi attack kills three children as deadly violence rages on") soit totalement marginal et trompeur. La vue d'ensemble, l'analyse des facteurs stratégiques (politique, économie, sécurité, société, etc.) restent toujours les parents pauvres de compte-rendus souvent émotionnels et peu représentatifs.

Dans ces conditions, il est toujours intéressant de lire les conclusions d'un analyste aussi fin qu'Amir Taheri dans le New York Post (l'accès nécessite une inscription gratuite), selon lequel les assassins continuent de perdre. Son résumé de la stratégie adoptée par la guérilla fournit exactement le type de fil rouge, de raisonnement argumenté - et permettant la discussion - que les médias ne livrent que très rarement :

When the insurgency appeared in the summer of 2003, it based its strategy on a number of illusions. First, it thought that by killing as many Americans as possible it would undermine public opinion support for the war inside the United States. When that did not happen, the insurgency tried to terrorize as many of the allies as possible into withdrawing from Iraq. But that, too, didn't produce the desired results.
Next, the insurgency decided that killing members of Iraq's nascent army and police force could do the trick. But two years of brutal killings have failed to reduce the number of new recruits or slow the training and deployment of new units.
Next the insurgency switched to the tactic of killing Iraqi Shi'ites at random. And once that had failed, random killing was extended to Sunni Kurds and Turcomen. With the insurgency's hope of provoking sectarian wars dashed, we are now witnessing a new phase, in which even Sunni Arabs are being killed indiscriminately.
The insurgents know how to kill, but no longer know who to kill. Nor do they seem to know why they are killing.

Cette perspective place au centre une réalité que la plupart des commentateurs peinent à voir : c'est la politique qui décide de l'issue d'un conflit de basse intensité. La lutte pour les coeurs et les esprits est un combat pour l'adhésion à des valeurs, à un projet, à des convictions ; la violence aveugle et nihiliste devient très rapidement contre-productive, là où des attaques précises et ciblées - par exemple sur les forces armées américaines - permettent à terme d'envisager le succès. L'échec final apparaît donc inévitable :

The insurgency may continue for many more months, if not years, in the area known as Jazirah (island), which accounts for about 10 per cent of the Iraqi territory, plus parts of Baghdad. It may continue killing large numbers of people but will not be able to stop the political process. Its history is one of a string of political failures.
Over the past two years it has failed to prevent the formation of a Governing Council, the writing of an interim constitution, the transfer of sovereignty, the holding of local and general elections and the creation of a new government. This year it will fail to prevent the writing of a new constitution, already being drafted, the referendum to get it approved, the holding of fresh parliamentary elections and the formation of a new elected government in Baghdad.

Lorsqu'il s'agira d'écrire l'histoire du conflit en Irak, il est probable que les 21 mois ayant séparé la chute de Saddam Hussein et les premières élections nationales soient considérés comme la période cruciale, celle durant laquelle la coalition conduite par les Etats-Unis a créé les bases nécessaires à un vrai succès stratégique (répandre l'idéal démocratique au Moyen-Orient). Les commentaires apocalyptiques des médias fourniront alors des exemples révélateurs de l'aveuglement que produit le suivi avide et biaisé de l'actualité.

Publié par Ludovic Monnerat le 1 juin 2005 à 21:49

Commentaires

Je vous signale ce post d'armees.org :

http://www.armees.org/index.php?showtopic=13226

Si l'article de base concernait les abus des recruteurs US, les analyses de J.R sont la situation militaire en Irak me semblent interressantes.

Publié par Frédéric le 2 juin 2005 à 11:47

Tous à fait autre chose.

Suite au non au référendum en France, le Parti Fédéraliste de Franche-Comté, petit groupe favorable au Oui, à demandé un réferemdum régional pour la Franche-Comté soit rataché à la Suisse ;)

"Quitte à faire et si c'est pour rester à l'écart de la construction Européenne, autant choisir de vivre dans un pays au taux de chomage inférieur à 4 % et au pouvoir d'achat largement supérieur au notre" à déclarer dans un communiqué ce parti.

Publié par Frédéric le 2 juin 2005 à 11:53

Oui! l'expansion de et par la démocratie! ;-)

Ou comme disait Coluche: "Pour rétablir nos finances, il faut déclarer la guerre à la Suisse, puis la perdre afin d'être envahis et de disposer enfin d'une monnaie forte." :-))

Publié par Robert Desax le 2 juin 2005 à 13:15

Oui, votons non à Schengen comme il se doit, et peut-être qu'un jour l'union européenne fera sa demande d'adhésion à la confédération helvétique.

Publié par pan le 2 juin 2005 à 18:34

Euh, s'il était possible de poster des commentaires en rapport direct avec le billet, cela faciliterait certainement les choses pour beaucoup de monde... Merci d'avance ! :)

Publié par Ludovic Monnerat le 2 juin 2005 à 20:27

"Much to the relief of Iraq's emerging leadership, the insurgency has excluded itself from the political process. Unlike other terrorist organizations that use a political façade as an interface with the rest of society, the Iraqi insurgency has opted for a quixotic strategy of seeking a straight armed victory over the U.S.-led Coalition and the new Iraqi regime. By doing so, it has limited its own options and alienated a good part of the constituency that might share some of its goals."

"Paradoxically, the insurgency's supposed goal of driving the Coalition out of Iraq could, if realized, prove suicidal for the insurgents."

Si on comprend aisément qu'un tel niveau de réflexion stratégique soit bien au-delà de l'intelligence moyenne de nos journalistes ou stratèges de salon à la Pascal Boniface,

comment expliquer un tel manque de jugeotte stratégique chez des mlitaires ou membres des services secrets comme Izzat al-Duri soi-disant formés à cela ?

Publié par jc durbant le 2 juin 2005 à 22:15

Les actions des terroristes irakiens sont certainement des combats d'arrière-garde qui ne proviendront probablement pas à stopper les changements en cours. Toutefois, la poursuite de leurs actions et leur capacité de nuisance laissent tout de même songeur. Est-ce que les groupes terroristes ont l'intention de demander des avantages politiques contre une éventuelle trêve ? Ou se trouve-t-on face à des fondamentalistes qui ne cesseront le combat qu'une fois mort ou qu'une fois leurs objectifs atteints.
Autrement dit, est-ce que les autorités irakiennes parviendront à régler rapidement et durablement ce problème ?
Enfin, l'on peut se demander ce quelles sont les aspirations politiques des Irakiens eux-mêmes, par rapport au type d'institutions qu'ils souhaiteraient.
Salutations


Alex

Publié par Alex le 3 juin 2005 à 13:19

Je signale le dernier n° de Conflits & Culture sur l'usage des forces armés dans la sécurité intérieure :

http://www.conflits.org/

Publié par Frédéric le 3 juin 2005 à 14:57

Concernant la "stratégie" (ou son manque ?) chez les ex-Baassistes et nazislamistes en Irak,

c'est probablement Hanson qui a raison, qui les voit réduits, avec nos naîfs pacifistes et munichois, à une sorte de vague resucée (en bonne partie médiatique) du.. "Vietnam" ?

"For now Islamic fascist strategy is to make such horrific news in Iraq that America throws up its hands and sighs, "These crazy people simply aren't worth it," goes home, snoozes - and thus becomes ripe for another September 11. "

"We are a society where many of our elite believe the killer bin Laden is less of a threat than the elected George Bush. Al Qaeda keeps promising to kill us all; meanwhile Ralph Nader wants the wartime president impeached for misuse of failed intelligence."

"Europeans march with posters showing scenes from Abu Ghraib, not of the beheading of Daniel Pearl or the murder of Margaret Hassan. They do not wish, much less expect, al Qaeda to win, but they still find psychic satisfaction in seeing the world's sole superpower tied down, as if it were the glory days of the Vietnam protests all over again"

"Most of the rhetoric in bin Laden's infomercials came right out of the Western media."

June 03, 2005,
Our Strange War
Looking ahead, our options.
Victor Davis Hanson
http://www.nationalreview.com/hanson/hanson200506030807.asp

Publié par jc durbant le 4 juin 2005 à 19:07