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27 mai 2005

L'ironie de l'Histoire

Le vaste éventail de nationalités différentes que connaissent les cours de l'OTAN, avec l'élargissement majeur de l'Alliance, produisent parfois des situations ironiques. Les oppositions entre ressortissants de pays membres mais mutuellement antagonistes, comme la Grèce et la Turquie, existent depuis un demi-siècle ; elles sont aujourd'hui renouvelées par le biais du Partenariat pour la Paix (comme entre Arméniens et Azéris) ou du Dialogue méditerranéen (aucun officier israélien ne participe au cours, mais cela se produit parfois, auquel cas les contacts avec les officiers arabes reste un brin tendu). Pourtant, le plus frappant reste des situations dans lesquelles d'anciens ennemis effectifs - j'entends par là qui se sont combattus récemment - se trouvent rassemblés. Comme lorsqu'un pilote américain d'A-10 explique à une assemblée comptant 2 officiers irakiens et 2 officiers serbes différentes procédures de frappe aérienne utilisées lors de la guerre du Kosovo ou durant la guerre du Golfe!

Cette confrontation du bombardant et du bombardé est surtout la preuve de la vitesse à laquelle change notre monde. L'opération Allied Force contre la Serbie date du printemps 1999, mais les très vives controverses qu'elle a suscitées appartiennent déjà à un passé lointain ; les refrains sempiternels sur la spirale de la violence, prononcés lors de chaque emploi de la force, ont été totalement ridiculisés par la stabilité que les actions de l'OTAN puis de l'UE ont apportée aux Balkans. Et les fruits de cette stabilité sont aujourd'hui perceptibles dans l'intégration rapide que recherchent l'ensemble des Etats balkaniques à ces deux organisations, l'une pour sa valeur militaire et stratégique, l'autre pour sa valeur économique et politique. Outre les 2 Serbes, le cours que je suis compte également un officier croate et un officier macédonien. En tenant compte du nombre de cours donnés ici, on mesure mieux l'attrait que l'OTAN exerce sur les Forces armées en général.

Publié par Ludovic Monnerat le 27 mai 2005 à 19:09

Commentaires

"L'opération Allied Force contre la Serbie date du printemps 1999, mais les très vives controverses qu'elle a suscitées appartiennent déjà à un passé lointain"

Je ne suis pas entièrement d'accord. Cette opératon a été un des premiers cas d'"intervention humanitaire" (terme qui veut bien entendu tout dire). Avec l'avènement de l'opération "Iraqi Freedom", l'intervention au Kosovo a gagné à mon sens un grand intérêt juridique et politique accru: il s'agissait bien d'une action guérrière non sanctionnée par le droit reconnu à l'autodéfense et partant, illicite. Elle suçita pourtant de l'opposition presque uniquement du côté académique: je me souviens d'un professeur de droit assez connu de Fribourg tenant une conférence très engagée conte l'attaque de l'OTAN. Mais à part ça, le "camp de la paix" du printemps 2003 était déjà bien lancé en 1999 (en sens inverse). C'est bien le ministre allemand Fischer qui, par rapport aux crimes serbes, faisait des comparaisons de mauvais goût à Auschwitz. Tout le monde était d'accord: il fallait combattre les Serbes. Que cela passe ou non par le Conseil de sécurité de l'ONU, peu importait: on s'en souvient, on avait même soigneusement évité de soumettre la question au Conseil de sécurité, par peur de véto de la Chine (et des Russes sauf erreur). L'opération était donc superbement illégale.

Quand toutefois, ce président qui ressemble trop à John Wayne pour certains, décidait d'éliminer le tyran irakien (qui avait nargué le système légal international et humanitaire comme peux d'autres avant lui), tout en essayant d'en convaincre le Conseil de sécurité, on parlait d'unilatéralisme et d'illégalité.

Je suis d'avis que l'intervention au Kosovo constituait tout d'abord une violation du principe sacré de la paix de Westphalie: celui de la non-ingérence (je sais, c'est surtout un terme sacré pour cette affreuse et cynique école des Réalistes, merci Henry). À ce titre, elle était illégale. Cele ne rend l'opération peut-être pas encore injustifiable, mais toutefois beaucoup plus délicate. N'oublions d'ailleurs pas que contrairement à Milosevic, Saddam constituait tout d'abord un danger énorme pour ses voisins et pour la région. Il n'était nullement l'agneau inoffensif comme voulait nous faire croire Chirac (ah oui, et Pasqua...). Il ne s'agissait donc pas d'un problème interne. Le cas du Kosovo est par conséquent beaucoup plus délicat au niveau du droit international que celui de l'Irak en 2003. Ce qui est alors intéressant, c'est la perception sélective de l'opinion publque et médiatique qui accompagnait les deux évènements. D'un côté, on avait les Européens "menacés" par l'immigration albanaise et rassurés par des poiliticiens de gauche qui prêchaient le nouvel ordre mondial ("intervention humanitaire"). De l'autre côté, il y avait une bande de néo-conservateurs apparament décidés à dominer une région du monde, avec pour unique motif, l'argent (si si, je vous assure, je sais cela grâce à Michael Moore; je laisse ici de côté la conspiration bolchéviquo-zioniste de Wall Street...).

Tout cela prouve finalement que les arguments en vogue de nos jours, tirés du droit international (i.e. Tribunal Pénal International, Droits de l'homme, Jurisdiction universelle, ONU, "Communauté" internationale, Kyoto et j'en passe [je ne mentionne pas Durban!]), restent finalement très souples. On les adapte à ce qu'on veut.

Je pense donc que l'opération de l'OTAN en 1999, quelqu'en soit l'appréciation juridique, reste tout sauf digne d'oubli.

Publié par Robert Desax le 27 mai 2005 à 21:49

Je suis largement d'accord avec ton argumentation, Robert, mais je voulais surtout dire par là que le débat, très vif à l'époque, a été figé par les faits : la cessation des hostilités ouvertes en ex-Yougoslavie. Le caractère juridique et diplomatique de l'intervention de l'OTAN n'est pas en cause, même si son illégalité - le terme est discutable si on le rapport au Conseil de sécurité de l'ONU, dont la légitimité comme organe décisionnel reste faible - semble plus affirmée que pour l'Irak en 2003. Cinq ans après, savoir s'il était juste ou non de bombarder la Serbie n'est plus à l'ordre du jour. La légitimité de cette intervention, à mon avis, est démontrée par la situation actuelle. Son bienfondé, ou celui des actions - et inactions - qui ont suivi sont une autre chose...

Publié par Ludovic Monnerat le 27 mai 2005 à 22:11

J'ai bien sûr les mêmes reserves importantes que toi, Ludovic, quant à la légitimité (ou la légalité) que pourrait avoir ou que pourrait conférer le Conseil de sécurité de l'ONU. Je pourrais par contre adhérer sans hésitation à ton affirmation selon laquelle la légitimité est démontrée par la situation actuelle. Même si par rapport au Kosovo, la situation respectivement le statut de cette région/province/machin? restent encore très flous et qu'il semble que la sécurité et l'Etat de droit sont encore assez loins d'avoir atteint un niveau acceptable... Je pense que l'Europe n'en a pas encore terminé avec ses problèmes dans les Balkans.

Publié par Robert Desax le 27 mai 2005 à 22:59

Pas encore terminé, c'est que le prénom ! :) Et cela concerne directement notre pays, puisque les 500 militaires que le Conseil fédéral veut déployer à l'étranger seront majoritairement présents dans les Balkans...

Publié par Ludovic Monnerat le 28 mai 2005 à 5:35

Il n'empêche qu'une fois de plus, si la légitimité de l'intervention est toujours sujet à discussion, on ne peut nier que ce théâtre d'opérations est devenu une zone sûre. Que les massacres ethniques y ont cessé. Le retrait progressif des troupes est en marche, mais tous les échos que j'en ai vont dans le même sens: la présence de troupes étrangères dans cette zone sera bientôt inutile...

Comme pour l'Irak, le moteur de ces interventions semble un peu en effacer le résultat...

Publié par Ares le 28 mai 2005 à 16:34

Pour le Kosovo, il me semble plutot que sans la présence internationale les combats inter hetniques reprendrait aussitot.

Vous ne rappellez pas les sanglantes émeutes qu'il y a eu l'été dernier?

Mon beau frére était sur place, et bien qu'il spécialisé dans le chimique, il y a du joué au CRS.

Publié par Frédéric le 28 mai 2005 à 18:51