« La force d'un idéal | Accueil | Irak : une planification pénible »

5 avril 2005

La diplomatie et les crises

Le Département fédéral des affaires étrangères a annoncé hier son intention de remédier aux lacunes révélées lors des dernières crises en Côte d'Ivoire et en Asie du Sud. Les efforts principaux des mesures annoncées devraient porter sur l'organisation, l'équipement technique et la formation du personnel, aussi bien à Berne que dans les ambassades. Mais au-delà , c'est bien toute la fonction du corps diplomatique qui va subir une évolution drastique : la gestion des crises, c'est-à -dire la prise de décision et la conduite d'actions délibérées face à des menaces sécuritaires ou sanitaires, change considérablement d'une diplomatie jusqu'ici assimilée à des dialogues feutrés dans des salons lambrissés. Les ambassadeurs ne sont plus les représentants lointains du pays, voués à des tâches obscures ; la proximité et l'impact croissants des crises sur la population, notamment via le développement constant de la médiatisation, imposent à ces Excellences l'obligation d'agir plus et plus vite.

Le rappel de l'ambassadeur suisse en Côte d'Ivoire, dont l'incompétence et l'impréparation ont été soulignées lors des évacuations chaotiques de novembre 2004, est le signe de cette évolution. Un Etat moderne ne peut plus se permettre de ne pas répondre aux demandes urgentes de ses citoyens menacés à l'étranger ; dans la mesure où la protection physique qu'il accorde à la population constitue l'une de ses raisons d'être, l'Etat doit adapter ses capacités de protection aux besoins des Suisses, lesquels sont toujours plus nombreux à vivre, à travailler ou à voyager dans des zones de crise probables. Les grandes nations européennes, accoutumées aux réflexes issus d'une politique de puissance, ont bien entendu intégré depuis longtemps ces notions. C'est un signe du rapetissement du monde que la Suisse neutre et largement centrée sur elle-même doive également y venir.

Naturellement, les capacités nécessaires pour faire face aux crises sont en partie fournies par l'armée. Comme Micheline Calmy-Rey l'a souligné, l'absence d'avions de transport continue et continuera de poser problème en imposant à nos voisins une solidarité unilatérale (ce manque de moyens est un thème souligne depuis longtemps au DFAE). Ce d'autant plus que la mission de développer une capacité de rapatrier les citoyens suisses menacés à l'étranger a été confiée aux militaires, qui créent les unités et acquièrent le savoir-faire nécessaire. Les ambassadeurs doivent donc être en mesure de coordonner étroitement l'action des composantes militaires déployées dans une zone de crise, comme cela a été le cas à Sumatra. Ce qui renforce également l'importance des attachés militaires, des postes aujourd'hui partiellement utilisés comme des récompenses à des officiers en fin de carrière ou des voies de garage pour écarter les cadres devenus indésirables.

La transformation de la diplomatie aura donc des besoins bien plus grands que l'installation de moyens de communication modernes ou le recyclage accéléré du personnel.

Publié par Ludovic Monnerat le 5 avril 2005 à 20:25