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11 avril 2005

Irak : le redéploiement US

Un article du New York Times rend aujourd'hui publiques les conséquences de l'optimisme affiché par les militaires américains : les premiers plans pour une réduction importante du volume des troupes, passant selon le texte de 142'000 soldats aujourd'hui à 105'000 au début 2006. La confiance en l'évolution positive de la situation se base ainsi sur une analyse conçue pour intégrer un nombre suffisant de facteurs objectifs ou subjectifs, mais aussi sur une prudence logique :

This view of steady if uneven progress is shared by virtually all senior American commanders and Pentagon officials interviewed, who base their judgments on some 50 to 70 specific measurements from casualty figures to assassination attempts against Iraqi government officials as well as subjective analyses by American commanders and diplomats. They recall how plans a year ago to reduce American forces were dashed by resurgent rebel attacks in much of the Sunni-dominated areas north and west of Baghdad, and in Shiite hot spots like Najaf. And they express concern that a huge, last-ditch suicide attack against a prominent target, like the new Iraqi National Assembly, could deal the operation a severe blow.

Pareille information mérite quelques réflexions. En premier lieu, cette réduction atteignant presque un tiers des effectifs actuels peut sembler importante. Il faut cependant rappeler que les soldats US sont étonnamment peu nombreux en Irak, ce qui depuis 2 ans indique clairement le faible niveau de violence armée que connaît en moyenne le pays. Il est ainsi significatif de constater qu'une ville de 2 millions d'habitants comme Mossoul n'enregistre que 50 attaques par semaine : si une véritable résistance aux troupes coalisées existait en Irak, ces chiffres seraient multipliés par 100 au moins. Seule une brigade US renforcée doit aujourd'hui être engagée dans cette cité gigantesque, qui compte autant d'habitants que le Kosovo, alors que la KFOR compte 4 petites brigades.

Le nombre de soldats n'est donc pas un indicateur suffisant, et c'est bien leur emploi qui doit être étudié. De plus en plus, les unités US font office d'appui pour les forces locales irakiennes, chargées de mener les actions offensives et défensives nécessaires à la contre-insurrection. Cela signifie que le nombre de GI's engagés dans des missions statiques ou uniques diminue, alors qu'une portion croissante des formations se transforment en force de réaction rapide, en unité d'engagement mobile ou en réserve polyvalente. La montée en puissance des forces locales, en qualité plus qu'en quantité, permet à la coalition de se concentrer sur l'offensive et sur l'intervention. La diminution du volume ne signifie pas celle de leur efficacité.

Par ailleurs, ces plans n'annoncent pas un retrait rapide du contingent américain. Malgré les déclarations plutôt contradictoires du nouveau président irakien sur leur possible départ d'ici 2 ans, il faut davantage compter sur le maintien d'un volume important de troupes spécialisées venant en appui direct des forces irakiennes et de leur Gouvernement, ainsi que sur le maintien de capacités d'appui en matière par exemple de logistique et de génie. Les guerres de contre-insurrection prennent en moyenne 8 ans pour être gagnées, et si les élections ont constitué une étape majeure dans ce sens, les violences armées sont très loin de disparaître du pays. On peut même redouter une nouvelle offensive des milices de Moqtada Al-Sadr, qui ont été reconstituées et refont surface depuis peu.

Ce qui est en revanche certain, c'est que la diminution des troupes US en Irak permettra de réduire drastiquement l'usure de l'US Army, et notamment de ses composantes de réserve, mais aussi de réduire les pertes, et donc également l'usure de l'administration Bush. Le maintien de la capacité et de la volonté américaines d'agir en Irak dépend par conséquent étroitement d'une telle réduction.

COMPLEMENT I (12.4 1130) : Cet éditorial du Wall Street Journal mérite d'être lu. Il souligne l'importance de la volonté politique au plus haut niveau d'un Etat dans un conflit comme celui qui se déroule en Irak.

COMPLEMENT II (12.4 1925) : Le changement de tactique de la guérilla semble se confirmer, avec une nouvelle attaque concentrée sur une base américaine qui s'est là encore avérée un échec complet. Ces tentatives du fort au fort ne peuvent que favoriser la stratégie américaine, aussi longtemps qu'elles échouent sur toute la ligne, naturellement...

Publié par Ludovic Monnerat le 11 avril 2005 à 22:24

Commentaires

On assiste à une "irakisation" du conflit, les forces locales étant de plus en plus en 1eres ligne - et avec des pertes assez importantes -, les moyens (manque de gilets pare balle par exemple) et l'entrainement de ce ceux ci ne me semblent pas suffisant.

Publié par Frédéric le 11 avril 2005 à 23:21

Ludovic, d'où tient-on ce chiffre de 8 ans de durée moyenne d'une guerre de contre-insurrection? Cela me semble finalement assez long...?

Il est vrai que les guerres d'Indochine, d'Algérie et celle du Viêt-Nam ont duré longtemps, mais elles se sont toutes soldées par des "victoires" de l'insurrection.

Publié par Robert Desax le 12 avril 2005 à 12:26

C'est un chiffre que j'ai cité de tête et issu d'un article sur les insurrections dont j'ai oublié l'auteur et le titre. J'aurais dû vérifier avant de l'écrire, mais le chiffre me paraît cohérent. Concernant la longueur Le colonel américain Thomas Hammes affirme que les insurrections durent entre 10 et 30 ans dans l'article ci-dessous...

http://csmonitor.com/2004/1224/p01s03-woiq.html

Publié par Ludovic Monnerat le 12 avril 2005 à 12:34

Merci!

Publié par Robert Desax le 12 avril 2005 à 12:43

Comme exemple de contre insurrection réussie aprés la 2e guerre mondiale, je cite la campagne malayse et celle contre les mau-mau au Kenya, la mais chaque opération était spécifique.

La guerre civile au San Salvador, la lutte contre le Sentier Lumineux ou la lutte contre les Islamistes en Algérie fut victorieuses pour les forces gouvernementales mais le prix à payer au niveau moral fut trés lourd, massacre contre massacre...

Publié par Frédéric le 12 avril 2005 à 21:09