« Une mine d'informations | Accueil | Les Abrams à l'épreuve »

30 mars 2005

ONU : l'icône brisée

Il me semble inutile de s'attarder longtemps sur la couverture médiatique du deuxième rapport intermédiaire Volcker sur le programme "pétrole contre nourriture" : comme d'habitude, la presse francophone donne une image globalement positive de l'ONU et de son secrétaire général (voir ici, ici ou encore ici), et il faut consulter la presse anglophone par exemple pour mieux mesurer les conséquences des destructions massives de documents ordonnées par l'ancien chef d'état-major de Kofi Annan au lendemain de l'ouverture officielle de l'enquête. Ou se reporter au blog de Roger Simon pour savoir que Kofi Annan a menti - pardon, s'est trompé dans certaines déclarations.

Le plus important n'est pas là . Afin d'estimer l'impact de ces révélations, il faut s'intéresser à ce qui fait la véritable puissance des Nations Unies, de leur administration et de leur secrétaire général. Malgré son budget non négligeable (12 milliards de dollars par an pour tout le système onusien), l'ONU n'a pas de grandes capacités. Ses principes fondateurs et son processus de décision l'empêchent d'avoir une volonté tranchée. Ses activités avant tout axées sur l'aide au développement et sa dépendance envers les Etats limitent ses connaissances. Ce qui fait la force de Kofi Annan, c'est la légitimité qu'on lui prête, la supériorité morale qu'il est censé illustrer, l'incarnation même de la bonté, de l'intégrité et la justice.

L'ONU est passée maîtresse dans l'art de susciter à son endroit une approbation qui parfois verse dans l'adoration religieuse. La discordance entre les idéaux rassemblés dans sa charte et les méthodes mises en oeuvre à son enseigne sont quelque part comparables aux abus sexuels commis par les curés de l'église catholique : une triste réalité que l'on s'est longtemps obstiné à nier. Aujourd'hui encore, il est très difficile d'engager une discussion rationnelle sur les qualités et les défauts de l'ONU, et encore moins de son secrétaire général : ce dernier est devenu une icône, un être sacré recevant chaque jour l'onction des médias agenouillés, et dont les objectifs sublimes écartent toute objection bassement terre-à -terre.

C'est pourquoi le rapport Volcker est important : en montrant que Kofi Annan est au mieux incompétent et que n'importe quel dirigeant responsable devrait démissionner après de telles révélations, il ramène à ses justes proportions le système onusien et brise peu à peu l'icône à laquelle se raccrochent les fidèles du temps passé. Non, Kofi Annan n'est pas un saint : son secrétariat a présidé à la corruption massive comme à l'inaction face au génocide, son aura de légitimé est issue des croyances cosmopolites et non des urnes électorales, et ses affaires personnelles sont naturellement marquées par les intérêts matériels.

Le règne de l'ONU ne viendra pas.

Publié par Ludovic Monnerat le 30 mars 2005 à 11:37

Commentaires

Le règne de l'ONU arrivera, et il est même arrivé. L'adoration aveugle que lui vouent les social-démocraties d'Europe en est la marque. Que les Etats-Unis ou d'autres pays jettent un regard sans aménité n'y change rien; l'ONU règne, elle ne règne simplement pas sur tous les pays.

La France est en tête dans cette adulation, grâce à son siège de membre permanent au Conseil de Sécurité. Le Droit de Veto dont elle dispose est sans doute la dernière marque de puissance internationale entre ses mains. Mieux vaut soutenir un organisme impuissant, corrompu et hypocrite dans lequel la France a une assise prestigieuse, qu'un régime sain, organisé et réaliste, mais qui reste à construire et dans lequel la France n'aura certainement pas un fauteuil réservé.

La Suisse n'est pas en reste, mais son adulation n'est due qu'à l'imitation de ses modèles européens et au désir de prestige international de sa classe politique.

On a les rois auxquels on décide de se soumettre. L'Onu existera encore longtemps sous sa forme actuelle. S'il suffisait à la bureaucratie d'exister pour qu'elle s'effondre, bien des gouvernements auraient déjà été rayés de la carte; il n'en est rien! Les affaires de corruption seront étiquetées sous l'appellation commode de "dysfonctionnement", Kofi Annan sera reconduit dans ses fonctions ou remplacé par un clone intellectuel, et ce sera la fin de l'épisode.

Publié par Stéphane le 30 mars 2005 à 14:06

Je serai bien curieux d'entendre les noms d'organisations (étatiques ou non) dans lesquelles le mélange "humains + argent" n'engendre pas des abus. Pour ma part, c'est plutôt le ratio détournement/budget que je trouve parlant, que ce soit pour une association locale ou pour l'ONU.

Et ce ratio dépend généralement de la position hiérarchique de la personne malhonnête. Proportionellement, le caissier d'une association locale fera plus de dégâts qu'un obscure subalterne onusien flanqué dans un bureau dans la brousse. C'est pourquoi, effectivement, à ce niveau la sanction doit être non seulement dure, mais elle doit empêcher que cela se reproduise, avec plus que de simples paroles.

Bien que les actions des plus hautes instances de l'ONU soient souvent pour le moins discutables (Congo, Bosnie, etc), il ne faudrait pas pour autant laisser tomber ses différents fonds, tels que l'UNICEF. Leurs ratios me semblent non seulement assez bons, mais ce qui est fait avec l'argent non-détourné, je dirai, compte double. Dans certains cas, une comptabilité purement financière ne suffit plus pour aider à la prise de décisions.

Enfin, est-ce qu'une solution ne pourrait pas être de faire passer M. Riza devant une cour de justice? S'il a bien fait détruire ces documents en toute connaissance de cause, le fait qu'il soit jugé, voire qu'il fasse de la prison ferme, ne pourrait-il pas être un signal pour essayer de réduire ces abus? Simplement, régulièrement, loin du tumulte médiatique, un procès avant tout destiné à ses pairs, plus encore qu'au grand public.

Publié par Laurent le 30 mars 2005 à 15:10

Oui, c'est effectivement intéressant comme les médias français se débrouillent pour évacuer la principale info du rapport, à savoir qu'Annan a... MENTI sur les rencontres avec les dirigeants de l'entreprise... (suisse: tiens ! tiens !) qui versait des 400 000 dollars à son fiston pour ses! 21 ans !


Je me suis d'ailleurs vu répondre par l'un des correspondants de Libération ce matin qu'il avait été victime de coupes pour des raisons de! place !

(Je me permets donc de répondre encore. Je vous signale que monsieur Mousseli est bien dans le papier de Libération de ce matin, ainsi que les entrevues entre Annan et Cotecna. (OU CA !?)
Des petites coupes ont été faites à la rédaction pour des problèmes de place, notamment le fait que, selon la commission Volker, Kojo a caché à Kofi Annan la vérité sur ses relations avec la Cotecna. )

Rédigé par: Fabrice | mars 30, 2005 07:32 AM
http://usa.blogs.liberation.fr/2005/03/grabuge_lonu.html#comments


Mais moi j'aimerais bien avoir l'avis de citoyens suisses sur l'un de vos (trop ?) célèbres compatriotes, le sieur Jean Ziegler !


Vous savez, comme je disais ce matin, l'ex (?) groupie de tous les mouvements totalitaristes que pouvaient compter les années 60 et 70 et membre dument encardé de l'Internationale Socialiste qui a eté nommé à une Commission des Droits de l'Homme (de l'ONU justement !) tout récemment dirigée par la Lybie de Khaddafi et qui, à l'infâme Conférence de Durban, quelques jours avant le 11/9, avait contribué au plus beau... LYNCHAGE symbolique de l'Histoire en réussissant à détourner toutes les accusations de racisme de la planète sur le seul... Israël ?

Publié par jc durbant le 30 mars 2005 à 22:23

J'aurais aimé que vous entriez plus en détails dans le rôle de Kofi Annan au Rwanda.
Bien à vous.
Patrick Ledrappier

Publié par Ledrappier le 1 avril 2005 à 16:09

Concernant le rôle de Kofi Annan dans le génocide rwandais, il est assez simple : en tant que chef de la division des opérations de maintien de la paix de l'ONU, c'est lui qui avait la responsabilité de la force multinationale déployée à l'époque. Or Kofi Annan n'a rien fait lorsque le général commandant cette force, le Canadien Roméo Dallaire, lui a annoncé avec 3 mois d'avance et sur la base de sources haut placées qu'un génocide aurait lieu. Le secrétaire-général de l'époque, Boutros Boutros-Ghali, a par la suite écrit que Annan ne lui a jamais transmis cette information.

Une colonne écrite récemment par Joel Mowbray fournit une analyse intéressante du sujet.

http://www.townhall.com/columnists/joelmowbray/jm20050301.shtml

Comment un homme pareillement impliqué dans le pire génocide depuis Pol Pot peut être transformé en icône dépasse l'entendement.

Publié par Ludovic Monnerat le 2 avril 2005 à 9:11

Nous sommes bien d'accord, mais que faire ?

Publié par Ledrappier le 13 avril 2005 à 12:47