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24 janvier 2005

Vers l'euthanasie stratégique

Plusieurs réflexions et échanges ont eu lieu ci-dessous au sujet du programme nucléaire iranien. Le problème de la non-prolifération a été abordé, avec son double visage, à la fois restriction salutaire des pires armements et préservation du monopole nucléaire ; on peut d'ailleurs noter que Mohammed El-Baradei, le directeur de l'Agence internationale pour l'énergie atomique, peine parfois à conserver sa mission à l'esprit et confond les deux éléments. La spécificité des ambitions iraniennes a également été soulevée, en particulier par rapport aux détenteurs actuels d'un arsenal nucléaire dans le sud et le sud-ouest asiatique. Pourtant, il me semble que l'aspect central reste celui de la dissuasion.

Pendant toute la guerre froide, les armements nucléaires avec l'ensemble de leurs vecteurs ont constitué l'épine dorsale de la dissuasion et du statu quo est-ouest. Les raisonnements qui prévalaient à l'époque ont d'ailleurs largement cours aujourd'hui, comme le rappellent les investissements de la France dans sa composante nucléaire. Pourtant, un facteur ne doit pas être oublié : l'URSS pouvait être dissuadée uniquement parce que ses dirigeants pensaient avoir tout à perdre d'un échange de missiles. L'idéologie constituait leur grande force et leur principale faiblesse, parce qu'ils étaient persuadés que le monde marchait inéluctablement vers l'idéal socialiste puis communiste, et qu'ils se trouvaient par conséquent du « bon côté » de l'histoire.

C'est d'ailleurs lorsque cette conviction s'est avérée manifestement fausse, durant la première moitié des années 80, que le risque de guerre ouverte entre le Pacte de Varsovie et l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord a été le plus élevé. Les dirigeants occidentaux de cette époque - Reagan, Thatcher, mais aussi Mitterrand - ont su rester fermes, braver les ires de la rue gauchisante (« Plutôt rouge que mort », criait-on alors) lors de la crise des euro-missiles et adapter leurs capacités de dissuasion. Il est d'ailleurs probable qu'un conflit conventionnel est-ouest, dès le milieu des années 80, aurait tourné à l'avantage de l'OTAN - comme l'a décrit Tom Clancy dans Tempête Rouge. Les Soviétiques eux-mêmes estimaient que la supériorité technologique occidentale rendait nécessaires les armes non conventionnelles.

En d'autres termes, la tâche de l'Occident voici 20 ans consistait essentiellement - même si peu l'ont pensé - à simultanément précipiter et accompagner l'agonie du bloc communiste. Et c'est à mon sens la même tâche qui nous attend aujourd'hui avec les mouvances islamistes, dont l'Iran est le constituant le plus solide. Avant les attentats du 11 septembre, la planète comptait 2 Etats islamistes : l'Iran et l'Afghanistan. Ce dernier ayant été rendu à sa population par des élections triomphales, il ne reste plus que les mollahs de Téhéran et leur révolution islamiste en panne pour jouir des outils qui demeurent l'apanage des Etats : les relations diplomatiques, les recherches scientifiques, l'appareil militaire ou encore l'exploitation des ressources. La nébuleuse islamiste sunnite qui gravite autour d'Al-Qaïda rêve encore d'accomplir une prise de pouvoir analogue à celle des chiites de Khomeini.

Je pense que les dirigeants iraniens n'ont aucune illusion sur leur sort et sur celui de leur idéologie, au vu des revendications croissantes et enthousiastes d'une jeunesse majoritaire et pro-occidentale, qui a accueilli avec euphorie le discours d'investiture de George W. Bush. Ils se sont donc lancés dans une course contre la montre endiablée, comptant obtenir par l'arme nucléaire une sanctuarisation de leur fief et un gel stratégique de la région ; en même temps, ils ont affirmé à plusieurs reprises qu'un échange nucléaire avec Israël serait certes dommageable pour le monde islamique, mais qu'il occasionnerait au moins l'éradication définitive de l'Etat juif. En d'autres termes, la bombe atomique et les missiles à longue portée forment l'arme de la dernière chance, celle qui doit être jouée pour l'emporter en définitive - fût-ce dans la tombe. Et les islamistes sunnites partagent sans aucun doute ce point de vue.

L'Occident doit donc être en mesure de procéder à l'euthanasie stratégique de l'islamisme, lui assurer progressivement une mort tranquille : vivre et laisser mourir. L'engagement féroce des islamistes contre des élections démocratiques en Irak montrent qu'ils ont parfaitement identifié la menace mortelle que font peser les libertés humaines sur leur idéologie totalitaire. Ils n'ont pas d'autre place dans le monde individualiste qui prend forme sous nos yeux que celle d'une secte archaïque et dispersée. Ils sont en train de perdre, et c'est cela qui les rend dangereux.

J'espère simplement que la Vieille Europe n'est pas autant moribonde.

COMPLEMENT I : La pression se maintient sur la question du programme nucléaire iranien, puisque le chef du Mossad vient d'affirmer que celui est devenu autosuffisant. Extrait :

He said Iran is currently in the most advanced stage among countries in the region aiming to become nuclear powers. It has the capability to produce industrial quantities of enriched uranium and is advancing with the technology that will enable it to produce military quantities. When this technology is achieved, the "path is clear" for its nuclearization, and this is excepted to occur at the end of the year. Dagan said that the Iranian program is therefore at an important juncture, and now is the time to put pressure on the government to halt its development.

Entre temps, sur The Belgravia Dispatch, on peut lire comment une éditorialiste vedette du New York Times manipule les propos de Dick Cheney pour donner l'impression d'une offensive militaire en préparation contre l'Iran. Un classique, puisque l'éditorialiste en question - Maureen Dowd - a vu sa méthode recevoir son nom, à savoir la "dowdification", qui consiste à extraire des propos et à les mettre en forme pour corroborer une ligne prédéterminée.

Publié par Ludovic Monnerat le 24 janvier 2005 à 10:32

Commentaires

l'europe est en train de vivre sa mort

Publié par [email protected] le 24 janvier 2005 à 19:59

Il ne faut pas étre pessimiste à ce point ;)

L'Europe est en déclin depuis la chute de l'Empire Romain, si l'on en croit les philosophes de toutes les époques :)

Je trouve que depuis la 2eme moitié du XXeme S., elle s'est assagit et à apprit à coopérer entre ses diverses composantes.

Franchement, qui en 1905 aurait pensé qu'il y aurait une monnaie commune sur le continent, que forces armées Franco-Germano-Anglo-Italo... ect coopérerait aussi bien dans la guerre (Yougoslavie) que la paix, que les projets industriel dépasserait le cadre national ?

Bon, cela n'a qu'un léger rapport avec le post d'origine, mais je croie en la survie de l'Europe.

Publié par Frédéric le 24 janvier 2005 à 22:06

L'Europe est prête à tout sacrifier pour quémander encore un petit peu de tranquilité. N'oublions pas que l'horizon de tout homme politique se limite aux échéances électorales suivantes - la vision de l'Etat est donc nécessairement à très court terme.

Quant aux islamistes d'Iran ou d'ailleurs, ils ont parfaitement compris l'intérêt de la dissuasion: dans leur esprit, l'arme nucléaire est la garantie de l'impunité, confortés en cela par l'enseignement de l'histoire.

La guerre froide n'était pas une situation statique mais bien une guerre: la dissuation nucléaire n'a pas empêché l'Empire Soviétique d'attaquer de multiples pays pour y implanter son idéologie, et ce bien que l'occident dispose lui aussi de l'arme atomique. Le territoire de l'URSS, quant à lui, demeurait inviolable.

C'est exactement la position de force que cherchent les mollahs. Cumulant l'étatisme le plus violent avec le fanatisme religieux, ils n'ont en effet rien à craindre d'un effondrement: à l'inverse des populations soviétiques, il n'y a pas de paradis sur terre promis aux croyants qui finiraient par être déçus, seulement dans l'au-delà .

Le régime des Talibans ne s'est pas effondré par l'intérieur, pourtant il était aussi ruiné, violent et invivable qu'il puisse l'être.

Publié par Stéphane le 25 janvier 2005 à 9:26

D'accord avec vous sur à peu près tout. Peut-être peut-on ajouter si la dissuasion nucléaire n'a pas empêché des guerres, elle a du moins contribué à éviter tout affrontement direct est-ouest. Maintenant, si le territoire soviétique est resté inviolable aux armes matérielles, il ne l'a pas été aux armes immatérielles, et notamment à la grande déception stratégique qu'a été l'Initiative de Défense Stratégique de l'administration Reagan - créditée pour avoir raccourci de 5 ans la guerre froide.

Publié par Ludovic Monnerat le 25 janvier 2005 à 22:20

Voglio complimentarmi con lei cpt.Monerrat per i suoi articoli le chiedo gentilmente se c'e' la possibilita' di riceverli in lingua italiana alla mia e-mail personale.Ringraziandola comunque voglio esprimerle il mio sostegno agli uomini liberi che come lei portano la verita'di libere opinioni all'analisi di altri"cervelli"liberi.Thank you

Publié par marco alquati le 26 janvier 2005 à 9:20