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7 janvier 2005

Une nouvelle ère au Proche-Orient ?

Voici quelques semaines, j'ai eu l'occasion d'écouter l'un des plus proches conseillers d'Ariel Sharon s'exprimer devant une petite assemblée sur la situation stratégique de son pays. Une expression revenait sans cesse dans ses propos : « une nouvelle ère ». La mort de Yasser Arafat et la campagne électorale en Palestine étaient synonymes de nouvelle ère, de nouvel espoir pour une solution négociée au conflit israélo-palestinien. Tous les pays de la région en convenaient, et un optimisme prudent s'était installé dans les esprits - la première fois depuis 2000, voire plus tôt encore.

Pourtant, le déroulement de la campagne électorale palestinienne et le double langage de Mahmoud Abbas semblent contredire pareil optimisme : comme argumente avec éloquence Charles Krauthammer, la signature des Accords d'Oslo s'était faite dans la même atmosphère optimiste, et tous les experts ou presque avaient écarté les preuves de l'intention réelle de Yasser Arafat :

What of Abbas' vaunted opposition to violence? On Jan. 2, he tells Hamas terrorists firing rockets that maim and kill Jewish villagers within Israel, "This is not the time for this kind of act." This is an interesting "renunciation" of terrorism: Not today, boys; perhaps later, when the time is right. Which was exactly Arafat's utilitarian approach to terrorism throughout the Oslo decade.

Ce qui est surprenant, c'est que le Gouvernement Sharon semble décidé à faire confiance à Mahmoud Abbas et à effectuer un retrait unilatéral de la Bande de Gaza, même au prix de vives dissensions internes. Le conseiller de Sharon expliquait ainsi que ce dernier est prêt à risquer sa vie pour accomplir sa volonté, et que seule la Knesset - et encore... - parviendrait à l'en empêcher.

Savoir si la méfiance de Krauthammer est justifiée est bien difficile ; en revanche, il est certain que la vie de Mahmoud Abbas dépend de sa disposition à ménager les groupes terroristes palestiniens - même si certains reportages de journalistes européens apparemment acquis à la cause palestinienne évitent soigneusement d'en parler. En d'autres termes, l'espoir de paix semble bien ténu, et il faut trouver ailleurs une explication au comportement d'Israël.

En définitive, l'Etat hébreu se trouve aujourd'hui en position de force après avoir gagné, quoique douloureusement, la guerre déclenchée par Yasser Arafat en 2000. Mais sa sécurité stratégique n'est pas pour autant assurée, et ses Forces armées vivent constamment dans un état d'alerte élevé, prêtes à réagir à une agression des pays qui l'entourent. De plus, le programme nucléaire iranien menace de rompre le monopole israélien, alors qu'au moins deux de ses voisins - l'Egypte et l'Arabie Saoudite - vont vivre une transition de pouvoir délicate ces prochaines années.

On peut donc en conclure qu'Ariel Sharon cherche aujourd'hui à poser des jalons destinés à consolider l'existence de son pays - car c'est bien de cela qu'il s'agit. Obtenir un cessez-le-feu avec les Palestiniens pour légitimer le retrait des territoires aux yeux de son public, tout en renforçant les mesures de protection pour réduire les capacités des groupes terroristes ; normaliser les relations avec les pays du Moyen-Orient en les aidant - discrètement - sur la voie de la démocratisation et de la modernisation, et ainsi déjouer les visées subversives des islamistes ; et reprendre vigoureusement l'immigration pour compenser le déséquilibre démographique de la région.

Il est donc un peu tôt pour affirmer qu'une nouvelle ère est venue. Si Mahmoud Abbas survit et si les groupes terroristes palestiniens réduisent leurs activités, des conditions plus favorables seront créées. Pas davantage.

Publié par Ludovic Monnerat le 7 janvier 2005 à 18:43

Commentaires

Le retrait de Gaza -qui ne fait que 375 km2 soit une petit rectangle de 40x12- est une obligation tactique.

La présence de quelques milliers de colons protéger par autant de soldats dans une zone surpeuplée ou la population Palestienne approchent 800 000 habitants coute trés cher en termes financiers et humains.

Et la frontiére Egyptienne sera toujours sous étroite surveillance Israelienne.

On évacue Gaza qui n'a guerre d'importance statégique et on conserve de facto avec la construction du mur de sécurité une partie de la Cisjordanie.

Vous étes sur pour la crise de régime en Egypte ?

Il me semblait que l'opposition extrémiste avait été jugulait.

"et reprendre vigoureusement l'immigration pour compenser le déséquilibre démographique de la région"

Il faudrait que la situation soient beaucoup plus calme pour inciter une partie significative des 12 millions de juifs de la diaspora à immigrer et méme malgré cela, la balance démographique penchera vers les Palestiniens sauf éléments nouveaux.

Déja que dans la région, la question de l'eau et des terres arables devient épineuse, celle ci risque d'augmenter encore avec le risque réelle d'épuisement des nappes phréatiques.

Publié par Frédéric le 7 janvier 2005 à 21:50

Obligation tactique, peut-être, mais écueil politique certainement. Et vous me semblez bien rapide à nier toute importance stratégique à Gaza : transformer cette bande de territoire en paradis islamistes type Afghanistan est justement l'une des craintes des Israéliens - et ils ne sont pas seuls à l'éprouver.

Au niveau démographique, plus que le simple rapport numérique, je pense que c'est le rapport qualitatif - si j'ose dire - qu'il faudrait prendre en question : l'immigration en Israël a toujours été une source d'individus qualifiés, aptes à augmenter les capacités israéliennes dans bien des domaines...

Publié par Ludovic Monnerat le 8 janvier 2005 à 10:58

A vrai dire, l'élection palestinienne contraste défavorablement, en termes de qualité démocratique réelle, avec l'élection irakienne: la lecture du blog des deux frères qui conduisent une liste à l'élection irakienne, Iraq The Model (http://iraqthemodel.blogspot.com/), est carrément émouvante à cet égard. Mais ce n'est évidemment pas ainsi que le voient les médias de référence: voir le supplément du "Monde" d'aujourd'hui, dont j'aimerais bien qu'il en publie un aussi empathique sur l'Irak. A vrai dire, une comparaison encore plus pertinente serait l'élection présidentielle afghane, à la fois pour son déroulement et pour son traitement par les médias, mais je ne l'ai pas suivie d'assez près pour développer le sujet.

Publié par François Brutsch le 8 janvier 2005 à 23:16

C'est vrai que cette élection en Palestine n'est pas vraiment démocratique, puisqu'il n'y pas d'environnement politique (partis) et médiatique (diversité des médias) qui permet à un débat d'avoir lieu. En ce sens, je pense que les élections en Afghanistan étaient bien plus démocratiques, car la forte popularité d'Hamid Karzai n'a pas empêché le dépôt de nombreuses autres candidatures, et la liberté d'expression bien plus grande a permis de mener une vraie campagne dans une grande partie du pays.

Cela dit, toute élection reste positive dès lors qu'elle permet à la population de donner un avis. Peut-être est-ce une chance que les Palestiniens parviendront à saisir, une opportunité de montrer que la voie du terrorisme n'est pas la bonne...

Publié par Ludovic Monnerat le 9 janvier 2005 à 9:30

"toute election reste positive" bien sure! encore faut-il savoir quel sont les pouvoirs de l'heureux elu!

pour combien de temps Abbas va etre elu?
quelle sera exactement son role, ses prerogatives, sa liberte d'action?
quand on lit son discours de demission de son poste de premier ministre, on se demande quelle va etre son vrai pouvoir.
et de plus je le repete: je n'arrive pas a decouvrir la duree de son mandat!

en tous cas Sharon a presque depuis le debut a prevenus les israeliens qu'il fallait etre pret a faire "de douloureuses concessions" Abbas (dans sa campagne du moins) n'a pas vraiment prepare son peuple a en faire!
Il pousse son peuple a se preparer a la fin de l'intifada al-aksa, et a se preparer a resoudre ses problemes grace a la negoctiation... il sera juge sur les actes qu'il fera pour preparer son peuple a faire des concessions et arreter la coercition n'est pas une concession! (certainemet pas dans les yeux des israeliens, au vus d'Olso les deux sytemes de resolution de problemes sont antitetiques: les israeliens ne negocieront plus sous les bombes comme Rabin l'a fait! soit la coercition soit la negociation!
Mais objectivement: avec tous les voyages que Abbas a fait dans les pays arabes... avec tous les voyages des ministres des affaires etrangeres du monde entier qui se sont succedes en israel et dans les territoires, peut on reelement avoir un doute sur la preparation d'une solution negocie?
La negociation a deja commence, et les declarations de Abbas semblent plus etre un durcissement des postions en vus des negociations. Puisque nous ne sommes pas dans les secrets des conversations, il faudra guetter les signes externes... et preparer son peuple en est un.
Certainement si j'etais terroriste c'est maintenant que je chercherais a abbatre abbas ! Mais il semble bien que le Fatah soit le plus fort (ou le hamas et tous les autres groupuscules manquent totalement de sens strategique!)... ou alors la question pour les terroristes restent: comment faire pour faire endosser a isarel la responsabilite de son assassinat? il semble qu'ils n'aient pas ensore (heureusement) trouve la clefs! Est-ce une question d'imagination ou d'interet?
En definitive on aimerait bien voir Abbas en danger sa prouverait ses intentions...

Publié par bruno spinazzola le 10 janvier 2005 à 2:05