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17 janvier 2005

L'Iran, plus que jamais

Le programme nucléaire iranien reste plus que jamais la préoccupation des Etats-Unis : un article du reporter Seymour Hersh dans le New Yorker affirme ainsi que des opérations clandestines sont en cours sous le commandement direct du Pentagone, avec des unités spéciales ultrasecrètes, afin d'exercer une action décisive sans recourir à une offensive militaire conventionnelle - ou sans laisser Israël effectuer celle-ci. Le coeur de l'article insiste sur les conséquences de cette subordination directe en vue de mener la guerre contre le terrorisme islamiste :

"It's a finesse to give power to Rumsfeld-giving him the right to act swiftly, decisively, and lethally," the first Pentagon adviser told me. "It's a global free-fire zone."

Il faut cependant signaler que les articles de Seymour Hersh sont d'une fiabilité douteuse, et que sa renommée date de la révélation de My Lai, ce qui ne rajeunit personne. Non seulement c'est un opposant féroce et déclaré à l'administration Bush, qui n'a pas hésité à déformer les faits pour mieux vendre ses prétendues révélations sur les sévices commis à Abu Ghraib (nombreux sont ceux qui croient encore que l'armée américaine n'a ouvert d'enquête et annoncé ces maltraitements qu'après ses révélations, alors qu'elle a informé le public des semaines auparavant), mais ses méthodes sont éminemment dangereuses : elles consistent à donner la parole à tous les mécontents, les frustrés et les évincés de l'administration américaine, sans les ancrer dans un contexte solide pour donner une vue d'ensemble exacte.

De ce fait, Hersh est particulièrement susceptible d'être manipulé à des fins politiques auxquelles il accorde son appui. Il s'est en particulier ridiculisé à l'automne 2001 lors de la campagne d'Afghanistan, lorsqu'il a accusé les opérations spéciales américaines d'avoir été un désastre et a propagé de nombreuses erreurs factuelles pour ce faire. Toutefois, ses propos sur l'Iran et les autres informations parvenues ces dernières semaines laissent penser qu'une action de première importance est en cours ou est considérée, et que ses opposants utilisent Hersh pour tenter d'alerter l'opinion publique et la classe politique afin d'y mettre un terme ou de l'empêcher. On peut notamment penser que la CIA tente par ce biais de préserver son monopole des opérations clandestines.

Quoi qu'il en soit, il apparaît logique que l'action indirecte et subversive soit retenue dans le cas de l'Iran : non seulement implique-t-elle bien moins de moyens et de risques qu'une opération aérienne de grande envergure, ou même qu'une offensive aéroterrestre durable, mais elle permet peut-être d'éviter le rapprochement autour du régime de Téhéran et cultiverait l'opposition que ce dernier suscite. Il faut espérer pour les Américains que leurs renseignements seront meilleurs qu'à propos de l'Irak...

COMPLEMENT I : Une récente étude d'un think tank israélien affirme que la destruction du programme nucléaire iranien est au-delà des possibilités de l'aviation israélienne, et que seuls les Etats-Unis ont les capacités de s'en charger. Mais l'auteur affirme également que désormais, l'Iran menace davantage les intérêts américains qu'israéliens, une manière de souligner que la démocratisation et la modernisation du Moyen-Orient trouvent à Téhéran leur principal obstacle !

COMPLEMENT II : Le Pentagone a publié hier un communiqué absolument dévastateur pour Seymour Hersh, en soulignant clairement que les sources uniques et anonymes ne sont guère une méthode adéquate pour traiter des sujets aussi complexes. Plusieurs éléments factuels sont ainsi réfutés, ce qui devrait être facile à contrôler, et donc indique que le Pentagone est sûr de son fait.

Publié par Ludovic Monnerat le 17 janvier 2005 à 9:06

Commentaires

"Quoi qu'il en soit, il apparaît logique que l'action indirecte et subversive soit retenue dans le cas de l'Iran : non seulement implique-t-elle bien moins de moyens et de risques qu'une opération aérienne de grande envergure" En effet, sans oublier que les possibilités de réactions (politique et militaires) de l'Iran en cas de raids aériens ou de frappe de missile de croisière sont limitées. Même s'il est important de rappeler que ce genre d'action ne sert qu'à retarder un programme et non à l'éradiquer. Personne n'a oublié les missiles « Tomahawk » tombé en territoire iranien pour éliminer des camps terroristes ou encore par erreur.

Publié par ZC le 17 janvier 2005 à 18:54

C'est exact : le programme nucléaire iranien ne cessera que lorsque les dirigeants de Téhéran se résoudront à accepter que l'arme atomique n'est pas la meilleure option stratégique à privilégier. Dans l'état actuel des choses, je vois cependant mal les ayatollah renoncer à ce qui leur semble la principale bouée de sauvetage à leur portée (puisque le Hezbollah est déjà instrumentalisé à mort...).

Publié par Ludovic Monnerat le 18 janvier 2005 à 12:16