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28 janvier 2005

Les généraux au diapason

On trouve dans la Neue Zürcher Zeitung d'aujourd'hui un article de Bruno Lezzi sur les récentes directives du Chef de l'Armée concernant les rapports des Grandes unités, et plus largement sur la liberté d'expression restreinte des officiers généraux. Après avoir noté les textes du commandant de corps Keckeis publiés mercredi dans la NZZ et Le Temps sur le bilan après une année d'Armée XXI, Lezzi - accessoirement colonel EMG de son état - note que la conduite plus ferme du sommet de l'armée s'inscrit en contradiction avec le principe de la conduite par objectifs, et avec les lacunes constatées en matière d'information. Avant de conclure à l'importance du débat :

Ein Blick in die jüngere schweizerische Militärgeschichte zeigt deutlich, dass die einschneidenden Modernisierungen vor dem Ersten und nach dem Zweiten Weltkrieg nur im intensiven Austausch unterschiedlicher Meinungen, nicht aber mit verordnetem Denken realisiert werden konnten. Und das ist heute nicht anders.

En théorie, Bruno Lezzi a parfaitement raison : la liberté d'expression et de critique est indissociable d'une institution capable d'apprendre et d'évoluer. Ce sont les réflexions critiques et désintéressées qui font avancer les choses, ainsi que les débats argumentés sur des options stratégiques, opératives ou tactiques clairement définies. Le grand débat entre les "mobiles" et les "statiques" au début des années 50 a forgé la doctrine d'emploi de l'armée pendant toute la guerre froide, et ses effets se sont encore sentir aujourd'hui.

Cependant, je pense que le Chef de l'Armée sait parfaitement à quoi s'en tenir en matière de liberté d'expression, notamment dans certains cercles outre-Sarine. Trop souvent, ces dernières années, les débats sur des questions purement militaires ont été influencés par des pressions politiques auxquelles plusieurs officiers généraux se sont livrés. Des positions rejetées par le Conseil de direction de la Défense sont revenues par la bande, sous la forme d'interventions parlementaires téléguidées depuis les cantons. La nécessité de parler d'une seule voix sur les sujets les plus importants, afin précisément de réduire ces récupérations politiques, explique en partie les directives en matière de communication.

Au demeurant, les désaccords portent bien souvent sur des questions de préséance, d'autorité ou de budget, et non sur les adaptations à l'environnement stratégique. Le débat d'idées, porté sur la place publique, reste confiné aux organes de presse indépendants. L'armée suisse n'a pas encore pris le virage des nouvelles technologies de l'information et de la communication, en particulier dans la modification des échanges et des émulations qu'elles occasionnent. Espérons que les weblogs seront l'outil susceptible de faire évoluer la situation.

Publié par Ludovic Monnerat le 28 janvier 2005 à 22:56