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25 janvier 2005

Irak : la présence américaine

Alors que de nombreuses discussions ont eu lieu ces derniers jours sur une possible "stratégie de sortie" américaine en Irak, quand bien même ce terme n'appartient pas à la pensée militaire (on parle d'état final attendu ou recherché, ce qui n'est pas du tout la même chose), le chef des opérations de l'US Army a déclaré aujourd'hui qu'il comptait sur le maintien d'une présence en Irak identique à aujourd'hui jusque dans le courant de 2006, soit 120'000 militaires ; ce qui, avec la contribution des Marines et des autres services, aboutirait à un contingent de 140'000 à 150'000 Américains sur le sol irakien.

Ces prévisions concordent avec les propos du Premier ministre intérimaire irakien, Ilyad Allaoui, qui refuse d'exiger un plan horaire pour le retrait de la coalition internationale. Mais elles montrent surtout que le Pentagone reste décidé à poursuivre les opérations de contre-insurrection en Irak sur une intensité égale, et même à les étendre géographiquement en fonction de la diminution ou du retrait de plusieurs contingents européens (Pologne et Pays-Bas notamment). La question est de savoir s'il en a la capacité.

Voici plus d'une année et demi que l'on entend des avertissements sur l'essoufflement supposé des Forces armées américaines. Actuellement, c'est l'état de la Réserve et de la Garde nationale qui inspire des inquiétudes, puisque ces soldats de milice alimentent plus de 40% des effectifs en Irak et que le volume susceptible d'être déployé apparaît inférieur aux besoins. Et les appels se multiplient pour augmenter le volume de l'armée d'active, tombé il est vrai de 750'000 à 500'000 soldats dans le courant des années 90. Au risque d'ailleurs d'augmenter considérablement les frais de fonctionnement.

Qu'en est-il réellement ? Les Etats-Unis sont confrontés aujourd'hui à l'inadaptation de leur outil militaire, qui a subi une diminution au lieu d'une reconfiguration durant la décennie précédente - ce nouvel entre-deux guerres. Les divisions d'active qui passent 12 mois en Irak et 12 mois dans leurs bases (moins le temps pris par les déploiements...) ne représentent qu'une partie des effectifs ; de même, les brigades de la Garde nationale qui partent en mission ne représentent qu'une partie des unités existantes. Certains soldats vont et viennent, alors que d'autres sont vissés à leurs bases. Un déséquilibre structurel qui commence seulement d'être corrigé.

Le problème est le suivant : les conflits de basse intensité n'exigent pas des armées les mêmes tâches dans les mêmes proportions que les conflits de haute intensité. En Irak, il y a un besoin impérieux de troupes de mêlée polyvalentes, capables de s'adapter rapidement à leur environnement, appuyées par des spécialistes dans des domaines tels que le génie, la police militaire, les affaires civiles ou encore les opérations psychologiques. Les besoins en logistique et en transmissions sont constants, et le renseignement ainsi que les opérations spéciales gagnent en importance. Mais l'artillerie - et l'aviation à aile fixe - ne sont que ponctuellement utiles.

Or les Grandes unités US restent structurées en vue de mener une guerre symétrique de haute intensité, et possèdent notamment des moyens de feu totalement disproportionnés même dans un tel cas. La Garde nationale possède ainsi 6 brigades d'artillerie prévues pour une guerre totale, et tellement inutiles qu'une petite partie a déjà été transformée en police militaire, dans des divisions maintenues à un bas niveau de disponibilité précisément parce que leur emploi est prévu pour un conflit de ce type. C'est toute la structure de l'US Army qui doit être repensée, et qui est en train de l'être, ainsi que les effectifs entre les services - l'US Air Force apparaissant de toute évidence surdotée.

Les Etats-Unis ont la capacité de maintenir indéfiniment leur engagement en Irak. Mais pour ce faire, ils devront rapidement réorganiser leurs Forces armées afin de les rendre aptes à mener les conflits dépareillés, dispersés et prolongés de ce siècle.

COMPLEMENT I : Un bel exemple d'information biaisée sur le même thème est fourni par Le Monde aujourd'hui, qui estime que "L'armée américaine souffre de graves problèmes de budget et d'effectifs" alors que rien ne permet de justifier pareille affirmation. La méthode de l'article est simple : accumuler les aspects négatifs en écartant soigneusement les aspects positifs de la situation (comme la rétention extraordinairement élevée dans les unités d'active, ou l'absence de problèmes de recrutement/rétention dans la réserve) pour donner une impression d'échec ou de crise imminents. Des distorsions qui expliquent pourquoi la confiance envers les médias est vouée à continuer sa chute...

COMPLEMENT II : Zut, j'ai oublié le lien de cet article. Le voici donc. Caramba !

Publié par Ludovic Monnerat le 25 janvier 2005 à 17:16

Commentaires

Je signale cette article sur une possible crise des réservistes au Etats Unis :

http://hosted.ap.org/dynamic/stories/I/IRAQ_RESERVES_TAPPED_OUT?

Publié par Frédéric le 26 janvier 2005 à 12:02

Merci, mais le lien était déjà donné dans le post du lt col.

Publié par Ruben le 26 janvier 2005 à 13:21

Oups, je ne suis pas allez sur tous les liens ;)

Publié par Frédéric le 26 janvier 2005 à 20:22