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17 décembre 2004

Ni chars, ni avions

Ainsi donc, le Conseil National a fini par refuser l'avis de sa Commission de sécurité et retranché du programme d'armement 2004 à la fois les chars du génie et les petits avions de transport demandés par l'armée. L'objet va certes repasser au Conseil des Etats, mais cette décision sans précédent des représentants du peuple, quoique non surprenante, appelle quelques réflexions.

En premier lieu, cette décision de la Chambre basse n'a aucune justification militaire. Les 12 chars du génie sur châssis Leopard correspondaient à une quantité minimale, suffisante pour autoriser l'instruction dans les écoles et la maîtrise du savoir-faire, mais pas pour équiper tous les bataillons de sapeurs de chars de l'armée. De plus, assurer la mobilité des formations militaires face à des obstacles divers, allant de la barricade au champ de mines en passant par les abattis ou les glissements de terrain, s'applique à tout le spectre d'engagement de l'armée, et non à la seule compétence de défense.

Il en va de même pour les 2 avions de transports Casa C-295, qui donneraient à la Suisse une meilleure aptitude à la sauvegarde de ses intérêts à l'étranger, tels que l'évacuation de citoyens suisses gravement menacés ou la protection de bâtiments consulaires, et qui permettraient au pays de participer à la coopération européenne en matière de transport aérien militaire. D'ailleurs, si cet objet est définitivement exclu du programme d'armement 2004, il réapparaîtra avec insistance car il joue un rôle central dans le développement des engagements à l'étranger.

D'autre part, ce désaveu du Conseil fédéral n'a aucune perspective politique. Le Parlement ne pourra plus indéfiniment donner des missions à l'armée tout en lui refusant les moyens de les mener à bien, et appeler à grands cris une réforme de l'armée sans oser aborder de front les tabous qui aujourd'hui bloquent tout le système : le maintien de la neutralité, l'adhésion à l'Union Européenne ou encore l'adaptation de la sécurité intérieure. La voie de la « sécurité par la coopération » tracée par le Conseil fédéral n'est qu'une impasse si la coopération extérieure est refusée par la droite et la coopération intérieure refusée par la gauche.

Le problème semble actuellement insoluble : le pays a besoin au plus vite d'un nouveau rapport sur la politique de sécurité, soit d'une nouvelle stratégie pour faire face aux risques et dangers du monde de l'après 11 septembre, mais l'absence de consensus politique interdit la rédaction d'un tel document. Comment vaincre l'immobilisme et remettre la Suisse en marche si les directions préconisées sont à l'opposé l'une de l'autre ? Or des défis tels que la montée de l'islamisme, le terrorisme d'ordre religieux, la subversion par l'information ou encore les fractures dues au communautarisme sont aujourd'hui largement absents de notre politique de sécurité. La surprise et le drame nous guettent...

Publié par Ludovic Monnerat le 17 décembre 2004 à 19:14